Arslan Chikhaoui : l’Algérie renforce sa diplomatie économique pour s’imposer sur la scène internationale

L’Algérie, dans sa quête de repositionnement sur la scène internationale, se dirige vers une nouvelle ère où elle cherche à s’adapter aux évolutions rapides du contexte mondial. Dans un monde en constante mutation, où la compétition géopolitique et économique devient de plus en plus féroce, l’Algérie s’efforce de renforcer sa présence internationale et de se positionner comme un acteur fiable et incontournable dans la région. Cette dynamique est le fruit d’une stratégie d’ouverture et de diversification économique, visant à réduire la dépendance de l’économie nationale aux revenus pétroliers, tout en attirant les investissements directs étrangers (IDE). L’objectif est de bâtir une économie plus résiliente, capable de répondre aux défis mondiaux actuels, tout en stimulant la croissance interne.
L’expert en géopolitique et relations internationales, Dr. Arslan Chikhaoui, met en lumière l’importance croissante de la diplomatie économique dans la politique étrangère des États, en particulier pour l’Algérie. Selon lui, cette diplomatie a subi une transformation majeure au cours des dernières décennies, passant d’une simple gestion des relations politiques entre États à un outil stratégique visant à promouvoir les intérêts économiques, commerciaux et industriels. Dans ce cadre, la diplomatie économique devient un levier central pour les pays souhaitant attirer des investissements, développer leurs échanges commerciaux et renforcer leur influence sur la scène internationale.
Dr. Chikhaoui souligne que l’Algérie a pris conscience de l’importance de ces instruments et a mis en place, dès les années 1990, des mécanismes tels que les conseils d’affaires bilatéraux pour renforcer ses relations économiques avec d’autres nations. Ces conseils d’affaires ont évolué au fil du temps, en s’adaptant aux besoins économiques du pays et en s’ouvrant à de nouveaux partenaires commerciaux. En effet, l’Algérie a créé plus de 40 conseils d’affaires avec des pays d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie, d’Europe et des Amériques. Ces conseils ont permis de faciliter le dialogue entre les entreprises algériennes et leurs homologues étrangers, en promouvant l’investissement et les partenariats stratégiques.
Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a récemment insisté sur l’importance de ces mécanismes lors d’un forum sur « Le rôle des conseils d’affaires dans le renforcement de la diplomatie économique » qui s’est tenu à Alger en juin 2024. Selon lui, ces conseils ne se limitent pas à des actions de marketing commercial, mais agissent comme des réseaux d’échanges et de réflexion, jouant un rôle crucial dans la prise de décision politique. Ils sont devenus des plateformes d’influence, permettant à l’Algérie de renforcer ses relations économiques avec ses partenaires étrangers et de favoriser des accords bilatéraux bénéfiques.
En outre, Dr. Chikhaoui précise que ces conseils d’affaires bilatéraux ne se contentent pas d’être des relais commerciaux, mais sont également des acteurs essentiels dans le processus de lobbying international. Le lobbying, selon lui, n’est pas une activité secrète ou douteuse, mais un outil stratégique de communication qui permet de défendre les intérêts économiques d’un pays sur la scène internationale. L’expert évoque également l’évolution de la diplomatie économique, qui repose de plus en plus sur la capacité des États à négocier des accords favorables pour leurs entreprises, à faciliter les exportations et à attirer des investissements étrangers. Ces stratégies sont devenues des éléments clés de la politique étrangère des pays, en particulier dans un monde où la globalisation des échanges a créé une interaction croissante entre politique et économie.
L’Algérie, consciente de cette dynamique, utilise les leviers des conseils d’affaires bilatéraux pour dynamiser sa diplomatie économique et commerciale. Dr. Chikhaoui souligne que ces structures sont devenues des passerelles essentielles pour le dialogue entre les acteurs économiques et les décideurs politiques. Ils ont, par exemple, facilité la mise en place d’accords de libre-échange, d’accords de non-double imposition et ont permis de promouvoir l’image de l’Algérie à l’international, notamment en contrecarrant les effets négatifs des médias pendant la période de la « décennie noire ». Ces conseils ont également joué un rôle déterminant dans l’organisation de rencontres B2B (Business to Business), B2G (Business to Government), et G2B (Government to Business), renforçant ainsi les relations bilatérales économiques.
L’expert conclut que, dans un monde en pleine recomposition géopolitique, la diplomatie non institutionnelle, à travers des outils comme les conseils d’affaires bilatéraux, devient un complément indispensable à la diplomatie institutionnelle. Cette approche permet à l’Algérie de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte mondial et de renforcer son influence économique et politique. Dr. Chikhaoui souligne que la capacité d’adaptation et la mise en œuvre de stratégies de réseautage, à travers ce que l’on appelle la « Networking Diplomacy », sont désormais des éléments clés pour réussir dans le monde globalisé d’aujourd’hui. Pour l’Algérie, ce processus est essentiel pour recouvrer la confiance à la fois au niveau national et international, en renforçant ses relations économiques et commerciales tout en s’appuyant sur une diplomatie proactive et inclusive.