Arslan Chikhaoui : l’Algérie doit renforcer ses capacités de cyberdéfense et de résilience face aux guerres hybrides

- Dans un contexte mondial en mutation rapide, marqué par la montée en puissance des guerres hybrides de cinquième et sixième génération, l’Algérie est confrontée à de nouveaux défis stratégiques. Selon le Dr Arslan Chikhaoui, expert en relations internationales, ces conflits modernes, largement influencés par les avancées technologiques, se caractérisent par l’usage massif du numérique, de l’intelligence artificielle et des opérations psychologiques. Ce type de guerre, qui façonnera les rapports de force au cours des prochaines décennies, repose sur des stratégies décentralisées et l’exploitation des ressources essentielles comme l’eau, l’énergie, les minerais critiques et la santé, devenues des enjeux géopolitiques majeurs.
Dans cette reconfiguration mondiale, l’Algérie s’emploie à renforcer son rôle d’acteur régional clé, notamment à travers une diplomatie active dans la résolution des conflits. Toutefois, comme le souligne Dr Chikhaoui, l’accélération des transformations géopolitiques engendre l’émergence de nouvelles menaces complexes et imprévisibles. La militarisation des ressources vitales, l’insécurité alimentaire et les perturbations socio-économiques accentuent les rivalités entre États, augmentant ainsi les tensions internationales. L’Algérie doit donc adapter sa politique de défense et de sécurité pour faire face à ces défis émergents.
Les guerres modernes ne se limitent plus aux affrontements conventionnels, mais se mènent désormais dans l’espace numérique. Dr Chikhaoui met en garde contre l’impact croissant des cyberattaques et des campagnes de désinformation, amplifiées par l’usage des « deepfakes » et des réseaux sociaux comme instruments de guerre informationnelle. Les plateformes numériques sont devenues des champs de bataille où des acteurs étatiques et non étatiques manipulent l’opinion publique pour servir leurs intérêts. Par ailleurs, la dépendance croissante envers les systèmes d’armement autonomes pilotés par l’intelligence artificielle, avec des investissements militaires dépassant les 20 milliards de dollars, illustre le rôle prépondérant de la technologie dans ces conflits modernes.
Face à cette nouvelle donne, l’Algérie doit renforcer sa souveraineté numérique et sa résilience face aux menaces cybernétiques. Dr Chikhaoui insiste sur la nécessité d’un développement stratégique dans ce domaine, en s’appuyant sur des alliances et des partenaires capables d’apporter un soutien technologique et une expertise avancée. La cybersécurité est aujourd’hui un enjeu majeur pour les nations, nécessitant des mesures proactives de protection des infrastructures critiques et des données sensibles. Avec une augmentation de 20 % du nombre de cyberattaques en Afrique ces deux dernières années, la mise en place d’une cyberdéfense efficace devient une priorité absolue.
La « guerre intelligente » (Smart War), un concept théorisé dès 1989 par des officiers de l’armée américaine, illustre cette transformation des conflits vers des affrontements numériques et informationnels. Dr Chikhaoui rappelle que l’essor du digital offre des opportunités de développement, mais constitue aussi une menace sérieuse pour les États et les individus, facilitant le cyberterrorisme, le vol de données et le sabotage des infrastructures. Les cyberattaques, qui peuvent paralyser des institutions entières, se déclinent sous différentes formes : désinformation, vandalisme numérique, espionnage industriel, sabotage d’équipements stratégiques et attaques visant à rendre un pays vulnérable en désactivant ses moyens de communication et de défense.
L’expert cite plusieurs cas marquants de cyberattaques aux conséquences désastreuses, telles que l’arrêt complet du transport aérien japonais en 1999, la paralysie de l’Estonie en 2007 ou encore les cyberattaques ayant précédé les conflits en Irak, en Libye et en Syrie. Aujourd’hui, les tensions numériques entre l’Algérie et son voisin marocain illustrent cette nouvelle forme de guerre où les dommages causés peuvent être aussi significatifs qu’un conflit conventionnel.
Dr Chikhaoui insiste sur l’urgence de sensibiliser l’opinion publique à cette mutation stratégique. Les guerres traditionnelles ont évolué vers des stratégies de déstabilisation progressive, où le concept de « Smart Power » joue un rôle central. Ce dernier instrumentalise divers leviers d’influence, notamment les ONG et les mouvements insurrectionnels, afin d’affaiblir un pays cible en le maintenant dans un état de crise permanente.
Dans ce nouveau paysage géopolitique, l’Algérie doit renforcer ses capacités de cyberdéfense et de résilience face aux guerres hybrides. Dr Chikhaoui souligne que la lutte contre ces nouvelles menaces repose sur trois piliers essentiels : la sensibilisation, la formation et la veille stratégique. À l’heure où la souveraineté numérique devient un enjeu central, la capacité à anticiper et à contrer les menaces cybernétiques déterminera la sécurité et la stabilité des nations.