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Développement et questionnement

Par Ali Daoudi

Les facilités d’accès au dispositif contractuel et les diverses autres incitations ont fait passer le nombre d’éleveurs sous contrat de 13 726 en 2009 à 35 524, soit une augmentation de 260%. En 2001, ces petits possédants représentaient 99% des éleveurs de bovins laitiers (RGA, 2001). En 2013, les éleveurs avec moins de 10 vaches laitières représentent 75,5 % des éleveurs sous contrats et ceux avec moins de 20 vaches laitières en représentent 95,5 %, totalisant 276 832 têtes, soit 84% du cheptel laitier (ONIL, 2014). Pour ce qui est des réalisations physiques, la contractualisation, ainsi que les autres formes d’appui aux producteurs, ont permis un bond significatif dans les quantités de lait collectées, passées de 189 millions de litres en 2009 à 979 millions de litres à 2014, soit une augmentation de 518 % (MADRP, 2016).

L’AC ne cesse de se développer au sein de la filière tomate industrielle depuis le lancement de la politique en 2009 et s’impose comme mode principal d’approvisionnement et de commercialisation pour les entreprises et les producteurs locaux. Le contrat de commercialisation proposé par l’État est à présent adopté par toutes les entreprises de transformation. En sus de ce contrat, certaines conserveries ont développé leurs propres dispositifs contractuels. Ces derniers comportent des contrats de production qui engagent les entreprises à fournir certains facteurs de production et/ou du conseil technique. Le nombre d’agriculteurs engagés dans le dispositif est en augmentation grâce notamment à l’augmentation de la prime de production en 2011 et l’allégement des conditions d’accès en 2014 qui a permis l’adhésion de toutes les catégories de producteurs, notamment les locataires et les petits agriculteurs. Le taux de participation a dépassé 80% en 2015.

Les petits producteurs, qui dominent la structure productive de la filière, sont aussi majoritaires dans le dispositif contractuel. Les quantités de tomate collectées ont beaucoup évolué et ont dépassé la moitié de la production nationale en 2015.

Des résultats présentés dans la section 4, apparaît clairement une tendance forte de l’adhésion des filières étudiées, entreprises agroalimentaires et agriculteurs/éleveurs, aux dispositifs contractuels proposés par l’État. Les entreprises de transformation des deux filières sont actuellement dans le dispositif contractuel et une proportion de plus en plus importante de producteurs agricoles aussi. Les volumes de production réalisés dans le cadre de ce dispositif a aussi connu une progression considérable. Même s’il est encore tôt pour évaluer les choix de l’État en matière de soutien à l’agriculture contractuelle, et malgré la difficulté d’accès à toutes les données, les premiers éléments d’un bilan peuvent d’ores et déjà être discutés. 

Un bilan physique mitigé 

La forte progression de l’adhésion des acteurs aux dispositifs contractuels des deux filières ainsi que les quantités collectées dans le cadre de ces dispositifs est un indicateur de réussite. Le nombre d’éleveurs sous contrat a cru de 258% entre 2009 à 2014; la même tendance est notée pour la filière tomate industrielle, avec 211% de progression. Ces résultats sont à relativiser, cependant, par rapport à l’évolution parallèle de la production totale et des importations pour les périodes considérées. La forte croissance de la production nationale couplée à une forte croissance des importations augmentent considérablement des disponibilités en lait et en double concentré de tomate, sur une courte période. Les disponibilités en double concentré de tomate sont passées de 3 à 6 kg/habitant entre 2009 et 2015; pour le lait les disponibilités sont passées de 98,87 à 147,5 l/hab entre 2009 et 2014. Cette rapide progression (149,2%) soulève des questionnements sur la qualité des données disponibles, notamment celles relatives à la production nationale totale pour les deux filières. On peut douter que la consommation d’un produit alimentaire comme le double concentré de tomate soit multipliée par deux en l’espace de 6 ans.

Une inclusion des petits 

La question de l’inclusion des petits producteurs dans les dispositifs contractuels est au cœur des débats à la fois académiques et de développement. Les constats relevés sont généralement contradictoires et varient en fonction des produits, de la structure des filières et des structures agraires des pays concernés; les politiques publiques peuvent également influer considérablement sur cette question. Dans les deux filières que nous avons étudiées, les petits producteurs sont majoritaires parmi les participants aux dispositifs contractuels. 

Du point de vue réglementaire, aucune condition relative à la taille de l’exploitation n’est exigée pour adhérer aux dispositifs contractuels. La relative importance des primes liées au contrat et l’étroitesse du marché hors contrat incitent tous les producteurs, quelque soit leur catégorie, à s’impliquer dans l’AC. Les petits producteurs de tomate industrielle sont largement majoritaires parmi les adhérents au dispositif (73% en 2015), même si leur proportion a enregistré une légère baisse par rapport à 2013 (79%). Le même constat est valable pour la filière lait, l’effectif moyen de vaches laitières des adhérents au dispositif était de 7,8 vaches/éleveurs en 2014, en légère progression par rapport à celui enregistré en 2009 (6). Le relèvement, très léger encore, des effectifs moyens et des superficies de producteurs engagés constituent-il un signe faible d’une tendance vers la sortie des très petits producteurs? Des observations empiriques localisées (wilaya de M’Sila, El Bordj) permettent d’appuyer une telle hypothèse pour les deux filières étudiées. 

Une politique coûteuse

L’agriculture contractuelle dans les deux filières étudiées est le résultat d’une politique publique, elle n’a pas été portée par les entreprises, comme c’est souvent le cas dans les autres pays. L’importante adhésion des entreprises et des agriculteurs s’explique avant tout pas les incitations de la politique publique, notamment les différentes primes attribuées aux acteurs des filières. Dans la filière lait, les entreprises sont surtout motivées par l’accès à la poudre de lait importée subventionnée et par les subventions du lait cru collecté.

Pour la filière tomate, la prime pèse lourdement sur les décisions des entreprises de transformation. Ces subventions qui dynamisent l’agriculture contractuelle dans les deux filières représentent un coût pour les pouvoirs publics. Chaque kilogramme de tomate fraîche collecté par les conserveries coûte à l’Etat 5,5DA, soit 36,6% de son prix d’achat. Dans cette filière, les 656441 tonnes de tomate fraîche colletés en 2015 ont coûté à l’Etat 3,6 milliards de dinars (29,56 millions d’euro), dont 73% profitent aux agriculteurs (960474 DA/agriculteurs). Pour la filière lait, le coût global de la subvention est beaucoup plus important ; il dépasse les 20 milliards de DA (168 millions d’euros) en 2014, dont 57,5 % profitent aux 35524 éleveurs contractants (578735 DA/éleveur). L’affectation de ces montants et leur réinvestissement, au moins partiel, dans les facteurs de production restent des questions à approfondir. Les subventions publiques sont considérées comme un investissement dans la coordination des filières à travers le rapprochement les producteurs et les transformateurs – un investissement censé générer une plus grande efficacité productive et économique de l’ensemble des filières, considérées comme des chaînes de valeur de dimension nationale. Les résultats mitigés de cette politique, malgré son coût relativement important, peut s’expliquer entre autres par l’inefficacité constatée dans la mise en œuvre des mesures d’accompagnement prévues dans le cadre de cette politique (crédits, appui technique, procédures de paiement des primes).

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