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Diversification de l’économie et incitations au secteur productif en Algérie

Par Zina Gomri, maître de conférences 

L’économie algérienne est depuis longtemps dépendante des hydrocarbures. Cette dépendance se situe au niveau de la production nationale où la part des hydrocarbures représente plus de 45%. Dès lors, une croissance (ou une baisse) de la production des hydrocarbures de 1% (aléas, demande mondiale, etc.) entraîne immédiatement une hausse (ou une chute) de près de 0,5 point du taux de croissance de l’économie. 

Par ailleurs, la quasi-totalité des exportations est composée d’hydrocarbures (98% en 2013) faisant ainsi dépendre la croissance et la balance commerciale de la nation des fluctuations des quantités et des prix des hydrocarbures exportés. Enfin, les recettes fiscales provenant des hydrocarbures représentent plus de 70% du total des recettes budgétaires faisant dépendre les politiques publiques de la fiscalité pétrolière. Grâce à l’augmentation du prix du pétrole, l’Algérie a connu depuis la fin des années 90 une aisance financière particulière. 

La croissance hors hydrocarbures ne signifie nullement que si les secteurs qui la génèrent se soient autonomisés des hydrocarbures. Ils croissent grâce à la demande publique qui dans le long terme subit fatalement la volatilité des termes de l’échange. A côté d’une stabilité macroéconomique retrouvée depuis 1999 persistent ainsi une volatilité de la croissance et une vulnérabilité de l’économie. Cette vulnérabilité de la croissance est, en effet, couplée à un secteur industriel qui a connu un effondrement au cours de la période 1986-1999. 

La part de l’industrie hors hydrocarbures dans le PIB ne représente, en 2013, que 5% faisant de l’Algérie un pays faiblement industrialisé. Cette faible contribution de l’industrie au PIB est accompagnée par contre d’un poids considérable des importations qui fragilisent l’économie nationale. La question qui se pose est la suivante : l’Algérie a-t-elle pensé à utiliser les ressources générées par le boom pétrolier afin de diversifier son économie en promouvant le développement du secteur productif hors hydrocarbures ? 

La réponse à cette question consiste à étudier et analyser les incitations macroéconomiques et microéconomiques et les incitations institutionnelles qui permettront d’inciter les différents agents économiques à se tourner vers le secteur productif et voir quels sont les facteurs de blocages actuels (les principales désincitations). 

Avant de traiter le présent sujet, il est utile de préciser la nécessité d’une diversification de l’économie nationale.

  1. Quelle nécessité à la diversification ? 

La problématique de diversification de l’économie algérienne en dehors des hydrocarbures est liée au caractère non renouvelable des ressources pétrolières et à la volatilité des revenus pétroliers associée à la croissance démographique. 

 

  • Incertitudes sur les perspectives de la rente pétrolière 

 

A long terme, les perspectives de production pétrolière sont difficiles à appréhender du fait de l’incertitude relative au niveau des réserves. Ces perspectives à long terme pourraient se trouver renforcées par les évolutions de moyen terme sur le marché de l’énergie. D’une part, la hausse rapide de la production pétrolière américaine allant de 5 millions de barils par jour en 2008 à 8,5 millions de barils/j en 2014). De même pour la production irakienne qui n’a cessé de grimper depuis 2005, passant de 1,85 million de barils/j en 2005 à 2,97 millions de barils/j en 2013. En plus du développement de sources alternatives de gaz au niveau mondial. Tous ces facteurs pourraient peser sur l’évolution des prix du pétrole. 

D’autre part, la consommation domestique de pétrole par l’Algérie est en augmentation depuis 1999. Ceci est dû à la fois au dynamisme de sa démographie et au mode de son développement industriel. Au total, dans une perspective de moyen et long terme, un certain nombre d’éléments autant liés aux évolutions internes de l’Algérie (réduction des ressources exportables disponibles) que de celles du marché mondial de l’énergie (concurrence accrue) sont source de pression sur la rente.

Nécessité de créer des emplois 

La diversification économique est liée en partie à la nécessité de créer des emplois à la population nationale. 

L’Algérie se trouve confrontée à un problème de chômage structurel (le taux de chômage le plus bas depuis plus d’une décennie est de 10% de la population active, atteint en 2012) et d’un mode de développement économique basé sur le développement de secteurs extractifs peu créateurs d’emplois.

  1. Les incitations macroéconomiques 

Elles concernent principalement la politique d’investissement dans les biens publics qui augmentent la rentabilité de l’industrie: • infrastructures, notamment de transport, • capital humain pertinent pour l’industrie (techniciens, ingénieurs, manageurs), • politique d’innovation.

Dans le cas de l’Algérie, les incitations macroéconomiques semblent vouloir être mises en place à travers : la politique d’investissement dans les infrastructures à travers notamment les deux plans quinquennaux 2005- 2009 et 2010- 2014. L’augmentation des recettes budgétaires autorise en effet un plan de financement très important des investissements. 

La mise en œuvre de ce programme génère toutefois des interrogations dans la mesure où les investissements ont été décidés sans que toutes les études préalables requises aient été menées. Par ailleurs, la faible capacité de maîtrise d’ouvrage des ministères ont conduit à de nombreux délais dans la mise en œuvre de ce vaste programme d’investissement.  

La nouvelle politique industrielle, qui est entrée en vigueur à la fin de l’année 2007, vise à utiliser la rente pétrolière pour diversifier l’économie grâce à l’appui financier et stratégique des secteurs industriels prioritaires. Le gouvernement a défini les branches prioritaires susceptibles de bénéficier d’un soutien de l’Etat. 

Celles qui s’appuient sur la ressource naturelle : pétrochimie, sidérurgie, engrais, électricité, matériaux de construction ; celles qui existent et dont on pourrait développer la valeur ajoutée : industries électriques et électroniques, mécanique, pharmacie, agroalimentaire… et des industries nouvelles, comme l’automobile ou les technologies de l’information. Concernant la formation, outre le développement des infrastructures de base prévues dans les deux plans quinquennaux, il est également important que les contenus des programmes et le mode d’enseignement s’adaptent aux besoins du marché du travail et du secteur productif. Dans ce cadre, la formation professionnelle est primordiale. 

L’Algérie a mis en œuvre un vaste programme de mise à niveau du système de formation professionnelle. Les orientations qualitatives du gouvernement algérien en la matière sont encourageantes : réhabilitation et développement des métiers manuels (BTP notamment), développement de nouvelles filières (liées aux nouvelles technologies, aux nouveaux besoins), développement de l’apprentissage, de la formation continue, de la formation à distance. Le secteur privé de la formation professionnelle connaît parallèlement un essor notable, qui vient compléter l’effort public. Le grand défi va être maintenant d’assurer un service de qualité dans un délai assez bref.

III. Les incitations microéconomiques 

Les incitations microéconomiques vers le secteur productif sont à deux niveaux : celui de la production et celui des exportations. En effet, les expériences des pays, qui ont réussi à développer une base productive compétitive, montrent que le secteur doit être en partie tourné vers l’exportation, et pas seulement destiné à un marché intérieur, souvent protégé, qui n’incite pas aux progrès de productivité et à la compétitivité. 

 

  • Les incitations à la production 

 

Les incitations pouvant encourager la création d’entreprises et stimuler le secteur productif passent par une politique de diminution des coûts des intrants, d’augmentation de la profitabilité, d’augmentation des débouchés, à travers notamment (la liste n’est pas exhaustive) : • la diminution des coûts de transaction (démarches administratives diverses, délais de livraison), • l’octroi d’avantages fiscaux, • la promotion de l’investissement, • la politique de prix sur les inputs (baisse des taxes d’importation), • une politique de crédit bancaire adaptée aux besoins du secteur productif : plus de crédits à un coût moins élevé.

 

  • Les incitations à l’exportation 

 

Les incitations à exporter consistent à favoriser l’augmentation des débouchés, à travers : • la politique de change (court terme), • le développement de zones franches, • l’existence d’un code des investissements spécifique pour les entreprises exportatrices, étrangères et nationales, • la mise en œuvre d’un programme de mise à niveau permettant d’améliorer la qualité des produits et la productivité, ainsi que d’accompagner les entreprises dans leur recherche de débouchés extérieurs. 

 A suivre

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