Evolution des taux d’intérêt et des produits du système bancaire algérien

Par Djamel-Eddine Ghaïcha
A partir de 1989, pour ce type de crédit, les taux d’intérêt débiteurs pour le moyen et le long terme vont dépasser ceux des crédits à court terme, soit 12,5% pour le premier terme et 10% pour le second. Auparavant, ils étaient fixés en moyenne à 8% l’an pour le court terme et 7% pour le moyen terme. A partir de 1991, les taux sur les crédits à moyen et long terme vont être fixés à 20% et atteindront 23% en 1995. A partir de 1997 l’ensemble des taux d’intérêt vont baisser.
- Le taux de référence et taux cible
Le taux de référence a été une instruction n° 07/95 de la Banque d’Algérie portant conditions de banque applicables aux opérations bancaires. Dans l’article 2, le taux de référence est défini comme étant le coût moyen des ressources bancaires majoré d’une marge. La Banque d’Algérie définira par voie réglementaire, le mode de calcul du coût de ces ressources, la marge maximale à especter, les procédures d’information et les relations qui la lient avec les autres banques. Par ailleurs, l’article 2 de la même instruction donne la liberté aux banques pour la fixation des taux d’intérêt débiteurs et créditeurs. Autrement dit, il revient à la banque de déterminer sa propre marge par rapport au taux de référence fixé par la Banque d’Algérie. Afin de mieux appréhender la notion de taux de référence, il serait intéressant de se référer à la stratégie de réforme du système bancaire et le nouveau rôle attribué au marché monétaire.
Dans ce cadre, les taux d’intérêt s’expriment dans le marché monétaire réorganisé qui s’ouvre aux entreprises et devient un véritable marché de capitaux à court terme où les différents intervenants (banques, institutions financières, entreprises …) échangeant directement leurs liquidités et débattent entre eux des conditions de prêts et d’emprunts, conditions qui peuvent être matérialisés par des titres de créance (Patat J.P, 1993).
Le taux d’intérêt de ce marché est le taux cible de la Banque Centrale. Par opposition au marché financier dans lequel s’effectuent les placements et les emprunts à long terme, le marché monétaire est un marché de capitaux à court et moyen terme sur lequel se négocie la monnaie centrale (Banque centrale) et la monnaie bancaire, suite à l’introduction d’agents non bancaires sur ce marché. Cette mutation du système bancaire et monétaire a été réalisée progressivement et grâce à l’augmentation du nombre d’intervenants sur le marché monétaire (plus grande perméabilité du marché), l’introduction sur ce marché de nouveaux actifs monétaires, la prorogation du terme de crédit sur ce marché (décloisonnement) et l’application de nouvelles modalités d’intervention de la Banque centrale sur ce marché (la politique d’openmarket).
2.1. Les nouveaux intervenants sur le marché monétaire En plus des intervenants traditionnels : la Banque centrale, les banques de dépôts (BEA, BNA, CPA, Badr, BDL), la BAD et la Cnep., le marché monétaire a été élargi à partir de 1992 à d’autres organismes : Caat, CNMA, Cnas, SAA, CNL, CNR, Banque El-Baraka, CCR, Casnos, Union Bank et Trésor public. L’ensemble de ces intervenants va effectuer des opérations d’offre et de demande de monnaie Banque centrale. Ces transactions seront possibles grâce à la création de nouveaux actifs financiers à caractère monétaire. Par cette refonte du marché de l’argent à court terme, les autorités monétaires ont cherché à permettre aux banques à la fois de faire face à l’essoufflement de leurs ressources et de maîtriser leurs coûts, réduire la marge entre les taux débiteurs et créditeurs grâce à la promotion de la finance directe et à créer des mécanismes de détermination des taux sans une intervention administrative des autorités monétaires.
2.2. Les actifs financiers à caractère monétaire
Nous distinguons les certificats de dépôts et les billets de trésoreries.
2.2.1. Les certificats de dépôts
Ils sont assimilés à des bons de caisse négociables. Il s’agit donc de bons de caisse émis par les banques et souscrits par les entreprises et les autres organismes non bancaires. Ils permettent aux institutions financières et bancaires de mobiliser des liquidités sur le marché monétaire, tout en respectant le compartimentage étanche entre les banques de dépôts et les banques d’investissement. Seules les premières sont autorisées à émettre des certificats de dépôt, pour une durée inférieure ou égale à une année. Un certain nombre de caractéristiques distinguent les certificats de dépôt des bons de caisse traditionnels :
les certificats de dépôts portent sur un montant minimal fixé, la durée des certificats de dépôts est un multiple de 10 jours et ne peut excéder cinq ans,
les certificats ne peuvent être remboursés par anticipation, ni rachetés par l’établissement émetteur, ni comporter de prime de remboursement.
2.2.2. Les billets de trésorerie Les billets de trésorerie sont des titres négociables au porteur. Ils sont émis par les entreprises qui cherchent à se financer sans faire faire appel aux intermédiaires financiers (opération de financement direct).
Comme pour les certificats de dépôts, les taux d’intérêt sont librement négociés par les intervenants. Pour ce type de titre, l’émission se fait au porteur et au pair. Le montant minimal du billet est multiple d’une valeur fixe. La durée est la même que celle du certificat de dépôt. La négociation du titre se fait par l’intermédiaire des institutions bancaires dont le rôle est de veiller au respect de la réglementation et au bon dénouement de l’opération.
2.2.3. Les bons de trésor négociables
Ils peuvent être considérés comme des actifs financiers à court terme. Ils sont négociables sur un marché d’effets publics et permettent aux autorités monétaires d’améliorer le fonctionnement et le contrôle du marché monétaire (donc du taux d’intérêt cible). Ces titres de créance ont été lancés en 1995 par émission de l’Etat dans le cadre de l’équilibre budgétaire. Leur durée est de treize, vingt-six ou cinquante deux semaines. Ils sont négociés sur le marché primaire où les banques présentent leurs soumissions et proposent des taux d’intérêt.
La revente des bons de trésor négociables se fait sur le marché secondaire.
2.3. La technique de l’open market
Comme tout autre institut d’émission, la Banque centrale agit sur le niveau du taux d’intérêt grâce à la technique de l’open market.
Le refinancement à taux fixe et différencié ne va plus constituer l’instrument de choix pour la conduite de la politique monétaire. Cette dernière technique va cependant survivre aux nouvelles mutations. L’ancien marché monétaire éclata en un marché où la Banque centrale intervient en offrant des liquidités grâce à la technique de l’appel d’offres, de la prise en pension et des opérations ponctuelles à 24 heures. Cette nouvelle logique d’intervention de la Banque centrale va donc conférer un rôle prépondérant au taux d’intérêt du marché monétaire. Ainsi, grâce aux interventions de l’institut d’émission, une action sur le taux cible devra permettre d’influencer le vecteur des taux sur les différents marchés.
2.3.1. Les opérations sur appel d’offres
L’appel d’offres est une opération utilisée par la Banque centrale, sur son initiative, pour accorder la monnaie aux banques commerciales. L’institut d’émission choisit la périodicité de ces appels d’offres et fixe le niveau du taux d’intérêt auquel il va accorder sa monnaie offerte est déterminée suivant l’évolution de la liquidité bancaire (billets de monnaie en circulation, avoirs nets en devises et solde du compte courant du Trésor).
La quantité de cette monnaie est déterminée conformément à l’évolution des facteurs de la liquidité bancaire (billets et monnaie en circulation, avoirs nets en devises et solde du compte courant du Trésor) et de la situation des réserves des banques (fuite artificielle en monnaie Banque centrale).
Pour déterminer l’offre de monnaie, l’institut d’émission informe les banques de dépôt de son intention de leur fournir des liquidités et fixe la nature des titres et leurs échéances. Les banques soumettent des propositions, annoncent les montants qu’elles désirent se procurer et les taux qu’elles sont disposées à payer à la Banque centrale.
Cette dernière procède au dépouillement des demandes pour les classer suivant les montants et les taux, dans un ordre décroissant. Les banques, qui ne peuvent pas s’approvisionner sur lecompartiment inter-bancaire ou par l’appel d’offres, disposent d’une autre possibilité qui est la prise en pension. Pour ce type d’opération, le taux pratiqué reste supérieur à celui du marché interbancaire.
2.3.2. Les autres interventions sur le marché monétaire
A partir de 1995, la Banque centrale s’autorisa d’emprunter ou d’épargner des liquidités par le lancement d’adjudication. Cette nouvelle technique est associée aux opérations ponctuelles d’injection ou de reprise de liquidités et se fait dans les conditions habituelles du marché. L’objectif de ce type d’opérations et de permettre le lissage du taux d’intérêt sur le compartiment inter-bancaire.
Autrement dit, cette technique est un moyen utilisé par la Banque centrale pour maintenir le taux d’intérêt dans un intervalle dont la borne minimale est égale au taux de l’appel d’offres et la borne maximale est égale au taux de prise en pension . Quant au taux du marché monétaire, il est librement déterminé sur le compartiment inter-bancaire où les échanges de liquidités entre les banques s’effectuent dans le cadre des lignes de crédit qu’elles s’accordent mutuellement. Le rôle de la Banque centrale consiste à maintenir ce taux dans les bornes délimitées grâce à ces interventions courantes.
Par ce procédé, elle agit directement sur les taux indexés et indirectement sur les autres taux. L’introduction des bons de trésor devait faciliter cette opération de lissage des taux du marché et permettre à l’institut d’émission de traiter avec différents opérateurs aux taux habituels du marché.
- Les conséquences de la nouvelle politique des taux
Comme il a été exposé dans les deux premières parties, la Banque centrale s’est efforcée de remplacer la politique d’administration des taux par des techniques de gestion indirectes sur le marché monétaire réorganisé. Elle exposa son intention de fixer le taux d’intérêt de l’appel d’offres (le taux minimal sur le marché monétaire) suivant les conditions u compartiment inter-bancaire, de l’indice général des prix à la consommation et des autres objectifs retenus pour la conduite de la politique monétaire (évolution de la masse monétaire et du crédit). Cette politique consiste à observer la variation de la masse monétaire et d’ajuster tout dérapage par la manipulation du taux d’appel d’offres.