
Par DJAMELEDDINE GHAÏCHA
De nombreux auteurs (Keynes, Fischer, Hicks, Friedman, Modigliani, Allais…) reconnaissent que le taux d’intérêt est un des instruments les plus importants de toute politique monétaire. Un des objectifs de la gestion de ce taux est d’assurer les équilibres économiques aussi bien intérieurs qu’extérieurs et une répartition efficace des ressources financières dans l’économie. Parmi les instruments monétaires (politique des réserves obligatoires et encadrement du crédit), le taux d’intérêt occupe une place centrale dans toutes les politiques mises en oeuvre par les autorités monétaires pour influencer l’activité économique sous ses diverses formes. (Pereire Leite, Sundarajan, 1990). Dans le but d’encourager une croissance basée sur un fort taux d’investissement, de nombreux pays, dont l’Algérie, ont choisi de fixer leur taux d’intérêt à des niveaux relativement bas et de les y maintenir souvent pendant une longue période (de 1970 à 1990 pour l’Algérie). Comparés au niveau de l’inflation, ces taux ont souvent procuré aux épargnants un rendement réel négatif. Un taux d’intérêt réglementé limite le risque des taux et favorise l’investissement. Cependant il peut entraîner une mauvaise allocation des ressources. L’administration des taux d’intérêt implique l’administration de l’octroi des crédits et limite le rôle du secteur financier. Dans un tel système les banques deviennent de simples guichets ou on répartit les crédits. La libéralisation des taux d’intérêt (Mirakhor, Villanueva, 1993) signifie l’abandon de la technique d’administration des taux. Elle n’est pas synonyme de laisserfaire .
Elle exige le remplacement de la gestion administrative des taux par des techniques indirectes opérant par l’intermédiaire des marchés monétaires et financiers. Dans le cas de l’Algérie, cette libéralisation semble s’apparenter plutôt à une déréglementation prudente. Elle associe l’ancienne technique d’administration des taux aux nouvelles procédures d’indexation et de libéralisation partielle. Le nouveau dispositif de détermination des taux a été rendu possible grâce à la redéfinition du fonctionnement du marché monétaire qui a fait du mécanisme de l’appel d’offres, la principale modalité d’alimentation de ce marché en liquidités (Djoudi, 1998).
La Banque Centrale s’efforcera de limiter les fluctuations du taux d’intérêt interbancaire tout en poursuivant les objectifs suivants: Assurer des taux d’intérêt créditeurs positifs aux épargnants et contrôler l’évolution de la masse monétaire. Trois questions relatives à la politique monétaire peuvent être posées: Quelles sont les principales caractéristiques des taux d’intérêt actuels? Quels sont les préalables à la libéralisation des taux? Fautil libéraliser les taux d’intérêt progressivement ou rapidement? L’objet de ce travail est d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions. Il s’agit d’analyser cette opération de déréglementation(I), de décrire les nouveaux mécanismes de détermination du taux de référence(2) et de dégager un certain nombre de conséquences de l’effet de cette nouvelle politique sur l’ensemble de l’économie(3). 1. LA LIBERALISATION PARTIELLE DU TAUX D’INTERET. Conformément à la loi promulguée en avril 1990, relative à la monnaie et le crédit, la Banque Centrale est chargée de fixer les conditions de banque (taux d’intérêt débiteurs, créditeurs ainsi que les différentes commissions bancaires), bien qu’elle ait eu à le faire dès 1989 (circulaire B.C.A n° 001 du 24 avril 1989 fixant les conditions de banque). Avant cette date, les taux d’intérêt étaient arrêtés par le ministère des finances. Les taux d’intérêt débiteurs et créditeurs ont été relevés administrativement en 1986 et en 1989 (date de création du marché monétaire). En 1986, les taux d’intérêt créditeurs nominaux ont été augmentés tant en pourcentage qu’en durée et les taux d’intérêt débiteurs ont connu une majoration de 3 à 4% en moyenne (Arrêté du ministère des finances de septembre 1986 fixant les conditions de banque).
Les secteurs de l’agriculture, de la mise en valeur des terres et de l’artisanat bénéficient d’une réduction de 2 points. En 1989, la plupart des taux ont subi une hausse et ont été modifiés dans leur structure.
Les taux débiteurs relevant du court terme ont été maintenus stables, ceux du moyen terme ont été relevés à 12,5%. Suite aux opérations de 1986 et 1989 des décisions vont être prises à partir de l’année 1991, ces dernières se distinguent par des innovations importantes dans la conduite de la politique des taux : l’ensemble des taux sont relevés sans discrimination. l’administration est partiellement abandonnée au profit d’une technique de plafonnement et d’indexation par rapport à un taux de référence à partir de 1991.
- LES NOUVEAUX TAUX D’INTERET CREDITEURS
La libéralisation des taux d’intérêt créditeurs ne concerna pas tous les produits commercialisés par le système bancaire. La banque centrale continue de superviser la structure de ces taux par l’utilisation de l’une des techniques suivantes, soit : le plafonnement des taux : certains taux créditeurs ne peuvent pas dépasser une certaine limite fixée par la banque. l’indexation des taux : ces derniers sont corrélés à un taux d’intérêt de référence, le taux moyen de réescompte ordinaire du mois précèdent (court terme) ou taux moyen pondéré de rémunération des placements dont le terme est supérieur à 2 ans (moyen terme). Les dépôts à vue du public (entreprises ou particuliers) ne donnent lieu à aucune rémunération. Cependant, les banques étaient autorisées à ouvrir aux entreprises et aux particuliers des comptes de dépôts à court terme (comptes intermédiaires entre l’épargne à vue et l’épargne à terme) aux conditions suivantes : Montant égal ou supérieur à 5 millions de dinars. Durée minimum 1 mois, maximum 2 mois. Taux entre 2% à 3% l’an. A partir de 1991, ces taux vont être portés à 8% et 9% . 1.1.2. La quasimonnaie : «les comptes à terme». Les taux d’intérêt créditeurs appliqués aux bons de caisse et comptes à terme sont négociés librement entre le client et sa banque à l’intérieur d’une fourchette comprise entre 10% et 17% l’an, en fonction de la durée. Cette formule ne varie pas depuis son institution en 1991. Cependant pour ce type d’opération , l’imposition réduit le taux d’intérêt effectif . 1.1.3. Les comptes d’épargne. Les taux d’intérêt appliqués aux comptes d’épargne ont connu une première augmentation de 5% à 8% l’an. Par la suite, ce taux a connu d’autres augmentations pour être porté à 14%. En outre, les titulaires de ces comptes bénéficiaient d’une exonération fiscale, le taux servi était net d’impôts. A partir de 1995, ce type de revenu sera soumis à l’impôt sur le revenu global (I.R.G). Ce type de placement a subi un réarrangement de l’ensemble de ses taux et un certain nombre de mesures d’accompagnement telles que: la fiscalisation du produit du capital, l’élimination de l’autorisation préalable exigée par l’institut d’émission lors du lancement d’un nouveau produit financier, la mise en place dès 1986, de nouvelles procédures qui permettent aux clients d’exiger un remboursement anticipé de leurs dépôt à terme, la création de nouveau actifs financiers: les certificats de dépôt et les bons du trésor. Cet ensemble de mesures a pour objectif d’une part, la libéralisation des taux d’intérêt créditeurs appliqués aux comptes de dépôt à terme et d’autre part, l’amélioration du pouvoir de négociation des agents économiques face aux banques.