Grand port centre : le projet ressuscité, cap désormais sur Boumerdès

Le projet du grand port centre refait surface, mais avec un changement majeur de cap. Initialement prévu à El Hamdania, dans la commune de Cherchell (wilaya de Tipasa), le méga-port en eaux profondes pourrait finalement voir le jour sur la côte de Boumerdès. C’est ce qu’a révélé Abdelkrim Ghezal, PDG du groupe public des services portuaires Serport, ce lundi 9 juin 2025, au micro de la radio Chaîne 3.
« Dans notre stratégie, nous avons prévu sa réalisation entre Cherchell et Boumerdès. Je crois que l’option de Boumerdès l’emporte. Ce sera peut-être Dellys ou Cap Djinet, car c’est le seul endroit abrité qui reste sur la côte algérienne », a-t-il précisé.
Selon M. Ghezal, cette orientation s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle stratégie nationale de développement portuaire à l’horizon 2035. Celle-ci prévoit la création de nouvelles infrastructures portuaires « en dehors du tissu urbain », afin de dépasser les contraintes structurelles actuelles. « Les ports algériens sont aujourd’hui enclavés dans des zones urbaines, avec des tirants d’eau limités, des quais peu linéaires, et des connexions ferroviaires ou autoroutières insuffisantes », a-t-il expliqué.
Le futur grand port centre sera ainsi conçu comme un « port intelligent », hyper-connecté, décarboné, et intégrant les dernières technologies numériques. Il s’insèrera dans un réseau structuré autour de trois grands corridors logistiques, dont un corridor central qui sera relié à la route transsaharienne et à la future ligne ferroviaire reliant Alger à Tamanrasset. « Nous nous projetons dans la modernité pour faire de l’Algérie un hub logistique pour le continent africain », a affirmé le patron de Serport.
Retour sur un projet controversé
Le projet initial, lancé au début des années 2010 en partenariat avec la Chine, prévoyait la construction du port d’El Hamdania à Cherchell. Doté de 23 quais, d’un tirant d’eau de 20 mètres et d’une capacité de 6,5 millions de conteneurs et 25 millions de tonnes de marchandises par an, le port devait également être relié par une pénétrante autoroutière de 37 km et une ligne ferroviaire de 48 km. Coût total estimé : 4,7 milliards de dollars, financés par le Fonds national d’investissement (FNI) et la banque chinoise Exim-Bank.
Un décret exécutif de 2018 avait même défini les contours du projet sur 3.123 hectares, incluant 500 hectares de forêts à déclasser. Mais les travaux n’ont jamais réellement démarré. Dès son arrivée à la présidence fin 2019, Abdelmadjid Tebboune a ordonné une révision complète du dossier. En 2020, il a demandé la reprise des discussions avec la partie chinoise sur de nouvelles bases, plus transparentes.
L’opacité entourant le projet et les pertes financières non officiellement chiffrées ont finalement conduit à son abandon. En mai 2024, l’ex-ministre de l’Industrie, Ali Aoun, estimait que le projet était « mal parti dès le départ ». Selon le journal français L’Opinion, qui rapportait la visite en Algérie du PDG de CMA CGM Rodolphe Saadé, le président Tebboune aurait définitivement enterré le projet d’El Hamdania.
Recentrage sur les ports existants
Faute de port capable d’accueillir les plus grands porte-conteneurs au monde, en raison d’un tirant d’eau insuffisant, les autorités ont redirigé les investissements vers l’extension et la modernisation du réseau portuaire existant.
Lors du Conseil des ministres du 16 juillet 2024, trois décisions majeures ont été annoncées : la création d’une entreprise nationale spécialisée dans les grands travaux maritimes, l’extension du port de Djen Djen (Jijel) pour en faire une plateforme stratégique en Méditerranée, et l’agrandissement du port d’Annaba, avec son raccordement ferroviaire pour l’export du phosphate de Bled El Hadba.
Un mois plus tard, un Groupe public de travaux maritimes (GTM) a vu le jour, avec un programme d’investissement de 10 milliards de dollars sur dix ans. Les premiers chantiers sont déjà lancés : les travaux d’extension du port d’Annaba ont démarré, tandis qu’une étude est en cours pour celui de Djen Djen. Ce dernier, longtemps pénalisé par l’enclavement routier, devrait bénéficier de l’autoroute Jijel-Sétif attendue pour 2027.
Depuis octobre 2024, Djen Djen a déjà vu ses capacités tripler, passant de 2.500 à 6.000 EVP, lui permettant désormais d’accueillir des navires de plus grande capacité. Une avancée qui marque peut-être une nouvelle ère pour les ambitions portuaires de l’Algérie.