Les écosystèmes menacés de destruction

Par le Cnes
Il importe aujourd’hui pour les pouvoirs publics d’élaborer un plan de protection et de valorisation des ressources naturelles comme préalable à toute construction agricole moderne et de prévoir des mesures de sauvegarde à l’instar de la décision prise, relative au patrimoine de l’Institut National Agronomique, intra et périurbains. Cette décision devrait comprendre les espaces boisés, parcs et espaces verts et notamment le parc zoologique d’Alger.
Au plan des disponibilités et de la dégradation de la flore
Les écosystèmes forestiers s’étendent sur 3.670.000 ha, soit 1,5% de la superficie totale du pays et environ 10% des territoires au Nord du Sahara (15 à 20% étant le taux de reboisement jugé acceptable). Un peu plus de la moitié de cette superficie est constituée de séries de dégradations sous la forme de maquis et de garrigues. Cette réduction est drastique pour les écosystèmes à genévriers (-94%), à chêne vert (-85%), à chêne liège (-46%) et à cèdre (-45%). Les autres écosystèmes n’échappent pas à ce processus de destruction qui remet en cause l’existence d’un nombre élevé d’espaces floristiques et faunistiques, soit par une menace directe sous l’effet de l’exploitation abusive ou de la déprédation accélérée, soit par la destruction rapide de leurs habitats. Les écosystèmes montagneux sont menacés par l’érosion des sols tandis que les écosystèmes semi-arides sont particulièrement affectés par la désertification en raison de l’aridification du climat et de la pression intense exercée par les systèmes d’exploitation axés essentiellement sur le pastoralisme à grande échelle qui intéressent 12 millions d’ovins, alors que la capacité de charge est de six seulement.
Les écosystèmes arides, particulièrement ceux du Sahara central, ne sont pas épargnés même s’ils subissent une dégradation moins forte du fait de leur enclavement naturel. La flore d’Algérie comporte 3 139 espèces floristiques, dont 1 611 vont de assez rares à rarissimes. Les inventaires en cours laissent supposer une plus grande richesse floristique, notamment au Sahara Central. On a dénombré plus de 80 espèces floristiques aux vertus pharmaceutiques, cosmétiques ou alimentaires. Auparavant exportatrice de ces produits, l’Algérie a perdu cette vocation, et pour la récupérer, il faut recourir nécessairement à une bonne réglementation de la cueillette et à l’association des utilisateurs à une stratégie de conservation et d’utilisation durable de ces ressources. Les forêts d’acacia du grand Sud ont disparu depuis quelques décennies et on estime qu’au Sahara, il y a encore 500 espèces de plantes vasculaires et 700 espèces de cryptogames (ni fleurs, ni fruits, ni graines). En milieu steppique, l’Alfa qui couvre 4 millions d’ha prédomine, mais il est surexploité par les surpâturages et sous-exploité pour l’industrie du papier. Parmi les facteurs de dégradation figurent notamment la mauvaise utilisation des outils de travail du sol et le recours abusif aux herbicides qui ont provoqué une nette régression de la flore ; l’introduction depuis les années 1965/1970 de semences et plants de variétés à haut potentiel génétique qui a provoqué la disparition de certains cultivars locaux tels que les pollutions génétiques, l’apparition de maladies et de plantes adventices ; la dégradation au niveau des oasis de beaucoup de variétés et cultivars, dont la variété de datte dite «takerboucht», résistante au «bayoud» ; la régression de l’arboriculture fruitière rustique touchant, entre autres, les noyer, noisetier, châtaignier, ainsi que la raréfaction d’autres espèces telles que pistachier, caroubier et l’abandon d’autres comme l’olivier, figuier, amandier, le grenadier et figuier de barbarie. En ce qui concerne la flore marine qui représente le premier maillon de la chaîne alimentaire, son abondance et sa densité dépendent des conditions hydrobiologiques. Dans les baies urbanisées comme celles d’Alger, Oran et Annaba, ce précieux écosystème est en train d’être détruit par la pollution, le déversement de matériaux de construction et par l’action simultanée des engins en traînage de fond. Des régions restent encore à l’abri, comme la partie Ouest du Cap Bougaroune et peuvent servir de niveau de pollution zéro pour des études d’impact, qui restent à lancer, à condition toutefois de les protéger dès à présent.
Au plan des disponibilités et de la dégradation de la faune
Le patrimoine génétique en faune domestique est riche et varié et surtout bien adapté aux variations climatiques nationales. Certaines races et espèces méritent toute l’attention nécessaire pour leur préservation et leur multiplication. L’introduction de races et d’espèces à haut potentiel de production n’a pas toujours donné les résultats escomptés à cause de leur mauvaise adaptation aux conditions locales et au régime alimentaire. En outre, les chasses et braconnages abusifs ont occasionné de gros dégâts. Les règlements de chasse sont souvent transgressés et la dégradation des milieux raréfie ou fait disparaître le patrimoine. S’agissant de faune marine, les poissons, les mollusques et les crustacés constituent une des richesses du pays. Ces ressources sont insuffisamment exploitées et sont de nature à contribuer à la réduction du déficit alimentaire et à la promotion économique et sociale des zones littorales. Le corail, maillon important de la chaîne trophique, est unique en son genre. Son rôle écologique est primordial. Récolté brut entre 16 et 100 mètres de profondeur jusqu’à 200 m pour certaines colonies, il doit faire l’objet d’une exploitation rationnelle ou à défaut, de mesures de classement en réserves stratégiques. Il faut signaler qu’il existe depuis quelques années des parcs nationaux lacustres et marins où quelques dizaines de mammifères, reptiles et oiseaux sont actuellement protégés : Au Centre il y a Taza et Gouraya, à l’Est El-Kala avec les lacs Tonga et Oubeira qui sont classés zones humides d’importance universelle, à l’Ouest Ile des Pizans, les Habibas et les zones humides de la Macta.
La désertification
La désertification, telle que définie par l’UNESCO, «est la diminution ou la destruction du potentiel biologique de la terre qui peut conduire finalement à l’apparition de conditions désertiques. Cette évolution régressive est l’un des aspects de la dégradation généralisée des écosystèmes qui se manifeste par la perte de fertilité des sols, l’altération qualitative de la couverture végétale, la migration de la faune, la réduction de la micro-faune et de la micro-flore du sol. La dégradation du sol et la diminution de la biomasse animale et végétale rendent la vie des hommes plus difficile jusqu’à devenir impossible au stade du désert.» En Algérie, la désertification touche 20 millions d’ha dans les zones steppiques arides et semi-arides où 3 millions d’habitants y résident. Cependant, l’extension des paysages désertiques vers le Nord se manifeste aujourd’hui par la formation de cordons dunaires mobiles dans la frange méridionale des hautes plaines steppiques. Sur les plans économique et social, les causes et les incidences de la désertification apparaissent à travers l’ensablement des agglomérations et des voies de communication, la rupture de l’équilibre du système d’organisation pastoral traditionnel dû entre autres à la croissance démographique et à l’évolution générale de la société, la réduction des disponibilités fourragères, la précarité de l’élevage ovin, le surpâturage, supérieur de 1,5 à 3 fois par rapport aux possibilités réelles des ressources pastorales, ce qui représente une charge de quatre moutons à l’ha au lieu de la norme admise de un mouton à l’ha, la mise en culture par des mécanisations abusives ; environ 1 100 000 ha sont labourés, la salinisation des terres par une mauvaise utilisation des eaux et des techniques d’irrigation, l’éradication des espèces ligneuses par les populations, et une baisse de fertilité notamment par la diminution du taux de matière organique et la perte d’éléments fertilisants.
Le bilan des actions initiées, notamment par le secteur des forêts, pour contrecarrer la désertification, fait ressortir trois phases bien distinctes en tenant compte de l’amélioration sensible apportée dans le cadre des interventions: La première phase (1970-1980), au cours de cette décennie, le bilan a permis d’identifier les différentes insuffisances et de procéder au lancement de nombreuses études d’aménagement intégré sur des zones pilotes représentatives. Les réalisations ont porté sur 70 000 ha de reboisement et 550 km d’ouverture et d’aménagement de pistes. Les résultats de ces actions sont relativement modestes, en raison du choix inapproprié des sites d’intervention, des conditions climatiques défavorables, et de l’absence d’études pour faire appel à des techniques adaptées.