
En Algérie, les hydrocarbures représentent 30% du PIB, 95 à 98 % des exportations ; 62% des recettes budgétaires. Il faut donc relativiser la capacité du commerce extérieur à être le principal moteur de la croissance. Pour ce faire, l’ouverture sur l’extérieur devrait permettre de construire et de développer une infrastructure et la croissance qui en résulterait devrait permettre de corriger les inégalités entre ceux qui ont accès au commerce extérieur et ceux qui en sont exclus. Jusqu’à présent, les politiques suivies en matière de libéralisation et de réformes ne se sont pas traduites par une reprise durable de la croissance, posant ainsi le problème de la validité des moyens utilisés ; tout comme il n’est pas prouvé que la déréglementation en matière de travail ait amélioré la compétitivité. La bonne gouvernance des Etats ne s’est pas accompagnée d’un code de bonne conduite sociale et de protection de l’environnement par les multinationales. En raison du chômage persistant, la main d’œuvre voit régresser ses qualifications. La discipline quotidienne du travail salarié s’est effacée de la mémoire collective.
Par suite de la dégradation des services publics, le niveau d’éducation et de formation de la main d’œuvre s’est détérioré. Il devient alors difficile de lutter contre la pauvreté en faisant dépendre la croissance d’un commerce extérieur dont les principales ressources sont absorbées par le remboursement de la dette. En Algérie, le déclin régulier de la consommation privée par habitant de 1995 à 2000 (-0,6% par an), indique que la pauvreté a particulièrement augmenté ces dernières années, pour toucher près de 20% de la population.
A la fin de la présente décennie, la quasi totalité des pays du Sud, dont l’Algérie, n’ont pas réussi à amorcer une croissance significative de leur économie. Se pose alors avec acuité la question de la pauvreté grandissante des nations de cette région, voire la question de la survie de certaines d’entre elles. Or, il apparaît aujourd’hui à l’évidence15 que les programmes d’ajustement structurel, caractérisés par des solutions orientées exclusivement sur le rétablissement des équilibres macro économiques et financiers par accroissement des exportations et contraction de la demande interne, ont été conçus principalement, si ce n’est exclusivement, pour rétablir le paiement d’une dette qui ne s’éteindra jamais, poussant certains à considérer cette situation sous l’angle éthique et moral, car elle devient de plus en plus, synonyme d’usure.
Les réformes économiques, théoriquement conçues comme mesures d’accompagnement du rétablissement des équilibres macro économiques, deviennent alors une finalité, consacrant de fait l’interdépendance dans l’asymétrie et l’inégalité. Le piège de la dette est un thème incontournable à une approche objective de l’interdépendance que supposent l’ouverture économique et la globalisation. Les pays en développement sont confrontés à une double remise en cause de leur souveraineté de droit, par l’action convergente du poids de leur dette et des nouvelles donnes d’une économie mondialisée, à laquelle ils sont contraints de s’intégrer. Si tout le monde s’accorde sur l’inéluctabilité de la mondialisation, un nouveau consensus semble se faire sur certains aspects nuisibles et destructeurs de ce mouvement tel que mené, qui produit la fracture sociale, l’érosion des Etats Nations et la montée en puissance d’organisations transnationales, plus ou moins mafieuses, échappant à toute juridiction. La contestation de Seattle lors de la réunion de l’OMC, celle de Porto Allegre et plus récemment celles de Göteborg, de Prague et de Gênes sont significatives et hautement symboliques d’autant qu’elles sont menées, quasi exclusivement, par des citoyens américains et des ONG des pays riches qui a priori, sont les « gagnants ». Le rééquilibrage des interventions de l’Etat et ses effets L’accord est fait pour abandonner une gestion étatique de la croissance et de l’économie et ouvrir les économies nationales aux forces transnationales en réduisant l’intervention de l’Etat. Pour cela, outre les réformes économiques et institutionnelles, la tendance est de privilégier la «société civile » nationale et internationale. Ces impératifs nouveaux qui accompagnent la mondialisation ou dont la mondialisation est le vecteur, interpellent, avec une intensité variable, toutes les nations dans leur être. Mais les effets varient selon le degré de développement des pays. Les pays riches ne sont concernés que par le premier et le troisième termes, amortis, toutefois, par l’apparition d’ensembles régionaux. Les pays en développement sont concernés par les trois termes auxquels il convient d’ajouter, en outre, celui de l’effet de domination que suppose leur sous développement. La nécessaire adaptation des modes d’intervention de l’Etat ne devrait pas être confondue avec son effacement et le transfert de ses responsabilités en matière de cohésion sociale à une société civile à l’état embryonnaire ou à des ONG qu’elles soient nationales ou internationales. Les faiblesses dans la régulation du système L’ouverture économique manifeste deux types d’incapacités : incapacité à contrôler et gérer les problèmes sociaux ; incapacité à contrôler, si ce n’est à gérer les flux mondiaux de main d’œuvre, de produits, de capitaux, de devises et de trafics illicites (drogue, esclaves, armes), les acteurs du marché mondial échappant à la réglementation des Etats. Le marché mondial n’a fait apparaître aucune autorité de régulation collective, laissant le champ libre au profit de cambistes et de multinationales et au développement d’une « économie de l’ombre ». Les Etats se voient confrontés à ces nouveaux pouvoirs dont ils subissent les pressions. Le marché mondialisé joue sur la concurrence des systèmes sociaux et fiscaux vers le bas, au moment où les pays font face, en raison du poids de la dette, à une réduction des budgets sociaux et à l’accroissement du nombre de personnes pauvres. La compétitivité s’obtient par le dumping social et la réduction des recettes fiscales en raison d’exonérations compensées par des compressions budgétaires dans les secteurs sociaux tels l’éducation et la santé notamment.
La fracture sociale s’accroît, car ceux qui s’intègrent au réseau et particulièrement les hauts revenus, sont mieux placés dans l’économie de réseau que le reste de la population. C’est, alors, selon l’heureuse expression d’un syndicaliste américain, « la sécession des gagnants cosmopolites » et le réveil des luttes de classes ou des communautés ou groupes d’intérêts. Le nombre des décideurs mondiaux s’est réduit à un point jamais connu. Le PNUD dans son rapport pour 1999 en dénombre 5 principaux : – Les multinationales intégrées et contrôlant la production mondiale, – L’OMC, la Banque Mondiale et le FMI, – Un réseau d’ONG
– Des blocs régionaux de moins en moins régionaux par élargissement de leur sphère de domination, – Des groupes de coordination dont le plus important est le G7. Les Etats des pays en développement n’ayant même plus les moyens de négociation, se voient contraints d’abdiquer leur autonomie relative de décision. Pour l’instant, le résultat est que désormais la planète et chaque pays ont une structure duale. Il y a les pauvres des riches, et les riches des pauvres. La nouvelle économie mondiale est fondée sur la flexibilité, c’est à dire l’insécurité générale.
Par le CNESE