Nécessité de promouvoir des partenariats scientifiques

Par Houria Ouchalal, Hocine Khelfaoui et Yassine Ferfera
Seul le groupe SAIDAL semble avoir dépassé ce dilemme. La R&D bénéficie ici d’un tout autre statut. Son CRD assure l’interface et la coordination entre la direction générale du groupe et les structures chargées des fonctions production, marketing et commercialisation. Ici les membres du comité scientifique et technique font partie, avec le directeur de l’entreprise, du comité stratégique. Ce dernier a élaboré un plan stratégique à long terme (2003 –2011) visant à asseoir un laboratoire leader au niveau national et régional en soutien à sa stratégie de pénétration du marché international. Cette différence entre les trois entreprises tient au poids des structures au sein de chacune d’elles et à la place qu’y tient le savoir dans le court terme. Dans les deux premières entreprises, SONELGAZ et l’ENIEM, les directions techniques gèrent une lourde infrastructure et, de ce fait, pèsent lourdement dans les décisions stratégiques et dans les dépenses des entreprises. Les résultats de la R&D y apparaissent d’autant plus lointains et aléatoires qu’elles sont confrontées à l’urgence des plans de charges quotidiens. À SAIDAL, le travail de la structure de R&D est effectif et se mesure tous les jours, ne serait-ce qu’à travers les analyses de fiabilité et de contrôle des médicaments commercialisés. De ce fait, la fonction R&D paraît dans cette entreprise bien mieux intégrée. Perçue comme un axe essentiel pour la survie et la compétitivité du groupe, la R&D y est une composante majeure dans la stratégie générale de l’entreprise. L’organisation du CRD étant de type matriciel, il permet, en fonction de la mission à accomplir, de mettre sous l’autorité fonctionnelle d’un chef de programme ou de projet, des spécialistes attachés organiquement à une autre structure. Cette flexibilité organisationnelle permet à l’entreprise de s’adapter aux contextes changeants : ainsi, l’abandon d’un projet ou le lancement d’un produit nouveau bouleverse peu l’organisation de l’entreprise. Le CRD/SAIDAL a aussi la particularité de disposer d’un conseil scientifique (installé le 17 mars 1999) composé de professeurs en sciences médicales et pharmaceutiques et d’ingénieurs et cadres exerçant à SAIDAL.
L’expérience des dernières décennies met en lumière la nécessité de prendre des mesures vigoureuses au niveau de toutes les entreprises industrielles algériennes pour pouvoir répondre aux exigences d’un marché complètement ouvert à la concurrence internationale. Pour accéder à de nouvelles technologies, les entreprises tablent aussi bien sur le partenariat que sur leurs capacités endogènes d’innovation. Le cas de l’ENIEM, mais aussi de SAIDAL, qui essaient chacune à sa manière d’associer partenariat et capacités endogènes et de SONELGAZ, qui pratique le partenariat dans le domaine des énergies traditionnelles et la R&D dans celui des énergies de substitution. Elles tentent d’établir un partenariat scientifique et technique tant au niveau national qu’international, avec des institutions scientifiques comme avec des entreprises industrielles. Cependant, les trois entreprises ont des styles de partenariat assez différents tant du point de vue de son orientation que de sa densité. Ainsi, si SONELGAZ a beaucoup développé des relations avec des institutions scientifiques, SAIDAL s’est orienté bien plus vers des entreprises du secteur pharmaceutique, alors qu’à l’ENIEM le partenariat scientifique est bien moins développé. A SONELGAZ, le partenariat a lieu essentiellement avec les institutions scientifiques. Nous n’avons pas connaissance d’une collaboration inter-entreprise dans les domaines qui touchent à la R&D et à l’innovation. SONELGAZ a tout de même réussi à établir certaines traditions de collaborations avec les institutions scientifiques. Elle a beaucoup fait appel, notamment entre 1985 et 1992, à des chercheurs universitaires, nationaux et étrangers, à travers l’identification d’axes de travail en commun, le partage de l’information, la participation aux colloques, conférences et séminaires. Parmi ses principaux partenaires nationaux, avec lesquels elle a établi de nombreuses conventions ou contrats de recherche, on peut compter l’École Polytechnique d’Alger, l’Université Scientifique et Technologique de Bab-Ezzouar et l’Université de Boumerdès.
À l’étranger, l’École Mohammedia d’Ingénieurs de Rabat, l’école Nationale d’Ingénieurs de Tunis et nombre d’écoles d’ingénieurs françaises figurent parmi ses partenaires les plus assidus. Cette collaboration a cependant été très fortement ralentie, voire interrompue, lors la destructrice décennie 1990. Depuis le début des années 2000, l’entreprise tente de relancer progressivement ce partenariat, au dire des responsables rencontrés. Afin de se rapprocher davantage du monde scientifique, SONELGAZ participe également aux rencontres scientifiques et techniques et aux foires nationales et internationales.
Pratiquement tous les deux ans, l’entreprise participe au Conseil International des Grands Réseaux Électriques (CIGRE), au Conseil International des Réseaux Électriques de Distribution (CIRED), ainsi qu’au Conseil International des Grands Réseaux Électriques Arabe (CIGREA). À la différence de SONELGAZ, l’entreprise SAIDAL a principalement orienté son partenariat avec entreprises, notamment des firmes pharmaceutiques de renommée mondiale. Ce partenariat occupe une place centrale dans la stratégie de SAIDAL, et vise plusieurs objectifs : apport technologique, intégration aux marchés régionaux et internationaux, élargissement et enrichissement de sa gamme de production… Ce partenariat repose principalement sur trois types d’accord, des accords de joint-ventures, des accords dits de « façonnage » et des accords de cession de licence. Par exemple, les accords de façonnage et de cession de licences ont été signés avec 10 laboratoires et portent sur 43 produits. Ils totalisent un volume de production de 13 millions d’unités de ventes. Les accords de partenariat joint-venture portent sur la création de six entreprises de droit algérien qui totalisent une capacité de production de 137 millions d’unités de ventes pour un investissement de 6182 millions de Dinars. Les principaux partenaires sont DAR EL DAWA (Jordanie), PFIZER (États-Unis), les laboratoires du Groupement Pharmaceutique Européen (GPE), RHÖNE POLENC (France), NOVO-NORDISK (Danemark) et PIERRE FABRE (France).
La collaboration avec les universités et certaines écoles supérieures nationales ciblent des aspects différents : plutôt que l’accès aux savoirs scientifiques et techniques, elle vise la formation à court, moyen et long terme des potentiels humains existants et la mise en place d’un système de gestion des ressources humaines capable de mobiliser le personnel autour des objectifs du groupe. À l’ENIEM, ce n’est qu’à partir de 2001 que la fonction développement a commencé à prendre de l’importance. Il faut noter que pendant toutes les années 1990, le climat social au sein de l’entreprise, comme dans la plupart des autres grandes entreprises publiques, n’était pas à la création et à l’innovation. Son collectif faisait alors face à la menace de dissolution, à l’emprisonnement de ses dirigeants les plus méritants et au risque terroriste. La relance, relative, est venue en 2001, et coïncida avec la compagne mondiale de lutte contre les gaz à effets de serre, et la reconversion des appareils électroménagers vers des technologies réduisant les émanations de ces gaz. Saisissant cette opportunité, l’ENIEM a négocié un projet partiellement financé par l’ONU dans le cadre d’un programme mondial, qui va lui permettre de moderniser ses usines et de reconvertir en même temps ses produits pour les adapter aux nouvelles normes environnementales. Cette opération a été largement pilotée par la Direction Développement et Partenariat (DDP), et confirme le bon choix de l’entreprise de confier à une structure de recherche un partenariat en vue de moderniser l’entreprise. C’est en effet la Direction Recherche et Développement (DRD) devenue Direction Développement et Partenariat (DDP) qui a piloté cette opération de modernisation-conversion.
Enfin, l’ENIEM consacre un budget important à la formation de ses ingénieurs et techniciens, pour laquelle elle sollicite la participation d’écoles et d’universités nationales et étrangères. Pour minimiser ses coûts, l’entreprise favorise la formation sur le tas dispensée sur site par ses propres ingénieurs. Cet effort a d’ailleurs été couronné par une certification ISO 9002, acquise par l’entreprise en 1999.