Quand l’ancien Premier ministre abroge un décret présidentiel
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L’ancien Premier ministre, Noureddine Bedoui, avait signé un décret exécutif au mois d’avril de l’année dernière, « définissant et organisant l’activité de restauration de tourisme», c’était bien avant les élections présidentielles, bien avant que celles du 12 décembre ne soient envisagées ou même envisageables.
L’Algérie était au milieu du gué. Le Hirak finissait son troisième mois et le gouvernement interdit de terrain par la rue, cloîtré dans ses bureaux, faisait des siennes.
La qualité de chef du gouvernement, présidant le Conseil du gouvernement, ne peut jamais avoir la prérogative d’abroger un décret présidentiel et que dire de M. Bedoui qui a abrogé en sa qualité de Premier ministre, simple coordinateur du gouvernement, un décret datant de l’époque du Président Chadli Bendjedid.
Ce décret revêtait une grande importance, des ministres de grande compétence dans le gouvernement Brahimi I
comme Abdelmadjid Méziane, Kamel Bouchama et beaucoup d’autres, ont travaillé dessus
Quand je pense que l’abrogation est venue de Abdelkader Benmessaoud et de Meriem Merdaci
Ensuite, il est de notoriété publique qu’un décret exécutif ne peut, en aucun cas, abroger un décret présidentiel et celui qui vient de l’être organisait la profession en question depuis janvier 1985.
C’est un vrai gâchis !
L’ancien texte réglementaire est légalement toujours valide, son contenu, plus ancien de 35 ans est plus pertinent, il suit une démarche pédagogique pointue pour encadrer l’ensemble des métiers de la profession en tenant compte de toutes les spécificités, toutes les particularités, toutes les aspérités…
Il traite d’activités hôtelière et touristique et de facto, il y est bien précisé que l’hôtellerie seule n’est pas le tourisme. La restauration, seule, n’est pas le tourisme aussi.
Ce décret exécutif ne respecte évidemment pas le parallélisme des formes, ni même la hiérarchie institutionnelle et encore moins la thématique puisque le décret présidentiel n° 85-12 du 26 janvier 1985 portant sur les activités de l’hôtellerie et du tourisme avait été abrogé par un autre texte, décret exécutif n° 19-151 du 29 avril 2019 portant sur un seul segment, la restauration touristique.
Ce dernier texte insipide n’organise pas la restauration mais présente un semblant de canevas pour redistribuer les étoiles aux restaurants étoilés ou aspirant le devenir.
La définition pédagogique pointue du décret présidentiel étalée sur une cinquantaine d’articles a été «balayée» d’un revers de main sans renvoi sur d’autres ancrages légaux ou réglementaires, sans même d’autres référents pour ne pas appauvrir l’arsenal juridique du secteur du tourisme.
Il semble que la volonté de réorganiser ce secteur n’existe pas puisqu’il s’agit tout simplement d’étoiler à coup de reconstitution de dossiers compliqués à réunir et de ramener beaucoup plus de tracasseries administratives et bureaucratiques qu’une plus-value en termes de qualité ou d’attractivité touristique.
Ce qui inquiète les professionnels, selon l’un d’eux, rencontré du côté de la direction du tourisme d’Alger, c’est un branle-bas de combat qui l’attend parce que dit-il, les exploitations déjà classées, doivent se conformer aux dispositions de ce décret dans une année à partir de la date de publication dans le journal officiel. Or, il ne reste qu’un peu plus de deux mois pour réunir une énième fois un énième dossier.
Ensuite, c’est le professionnel qui doit actionner la direction de la santé et celle de la Protection civile pour qu’elles enquêtent sur les lieux et délivrent les documents exigés.
Depuis quand, le citoyen lambda peut faire sortir une commission de contrôle ou d’inspection de son propre chef.
Il y a anguille sous roche parce que la velléité de destruction du décret présidentiel abrogé est anormale.
Le document définissait tout le circuit du tourisme en amont et en aval, public, privé, solidaire, familial et artisanal. Il explique, l’hôtel, le motel ou relai, le village de vacances, l’auberge, la pension, le chalet pour le balnéaire et la montagne, le meublé du tourisme (à la mode en ce moment en Europe), le terrain de camping et le gîte d’étape.
Il identifie avec une grande précision les activités touristiques et il cite les différentes catégories de restaurants, les libres services, les snacks –bars, les bars, les cafés, les salons de thé ou glaciers, la restauration rapide, le night-club, le dancing ou la discothèque, le cabaret.
Juste pour la comparaison, le décret de Bedoui institue des commissions de wilaya pour «l’étoilement» que président les directeurs du tourisme et les appelle à établir à chacune son propre règlement intérieur à faire adopter par chaque wali. Le ministère du Tourisme ne serait-il pas, à ce point, incapable d’élaborer un règlement type pour éviter les cacophonies, non, il y a vraiment anguille sous roche
Il n’y a pas un devoir seulement mais un impératif et une responsabilité d’inventaire, par le gouvernement actuel, de tout l’arsenal réglementaire inopérant, bloquant et facilitant la corruption et les détournements.
Ce ne sont pas les compétences qui manquent à l’université. Il suffit d’ouvrir des chantiers intellectuels et d’organiser des formes de travail avec canevas précis. Le cas du décret exécutif traité est un nid de gros problèmes qui créent des besoins et qui ouvrent la voie à la bureaucratie et à la corruption.
C’est du reste ce qui a été fait dans la loi sur «l’industrie du montage automobile» qui a tout laissé à la réglementation et qui a donné des ailes au ministre, recherché par la justice, de sévir sur l’économie nationale au nom de la loi.
Le bon sens populaire algérien dit que quand on trouve de l’eau sur le parquet, il ne faut pas commencer par l’essuyer, il faut d’abord fermer le robinet.
Abdelhamid Benhamla