Quarante vaches
Je ne vous ai pas raconté l’histoire des quarante vaches ?
La voici !
Ça se passe dans les années 90’. A l’époque l’Etat encourageait les jeunes créateurs d’entreprises, via l’ANSEJ, à hauteur de 4 millions de dinars. Entre apport personnel, subvention de l’Etat et crédit bancaire garanti par un fond créé à cet effet.
Pour ce faire, le jeune porteur de projet devait présenter une étude technico-économique. (C’est comme ça qu’on appelait les business plans à l’époque).
Reda commence à constituer son dossier. Il voulait se lancer dans l’élevage bovin.
Il lui fallait cette fameuse « étude technico-économique »
On lui recommande un cabinet de comptabilité.
Et le petit comptable lui fait une « étude technico-économique ». Avec des chiffres et plein de tableaux. Bilan d’ouverture, TCR prévisionnel, cashflow, plan de financement, plan de trésorerie, et plein de choses comme ça.
Il en a plein comme ça, le petit comptable, d’études technico-économiques prêtes à l’emploi. Pour l’élevage, le transport de marchandises, entreprise de bâtiment, tout ce que tu veux. Pour quelques milliers de dinars.
Reda me montre l’étude. Je suis choqué.
Je vous explique : à l’époque la génisse pleine est vendue à 100.000 DA. Donc pour « consommer » les 4 millions de dinars, le petit comptable lui met 40 vaches.
Je l’accompagne chez le petit comptable. Et je pose la question suivante :
Savez-vous que les vaches ne vont commencer à donner du lait qu’après neuf mois ? et pendant tout ce temps, les vaches vont avoir besoin de fourrage, de soins vétérinaires, il faudra au préalable chauler les locaux et les entretenir quotidiennement. Il faudra aussi payer le vacher. Et les assurances. Et l’électricité. Et quand elles donneront du lait, après neuf mois, il faudra des équipements pour la traite, et une cuve frigorifiée, et plein de choses comme ça.
Voilà pourquoi une grande partie des projets ne réussissent pas. Ou n’arrivent même pas à convaincre un banquier sérieux ou un investisseur averti.
Moralité de l’histoire : La phase étude / business plan est une phase très importante. Qui doit se faire par des spécialistes en interaction étroite avec le porteur de projet. La partie financière vient en dernier pour traduire des décisions, et des prévisions basées sur des options et des conditions réelles du terrain.
Et, surtout, ne faites pas comme ce promoteur d’un projet hôtelier sur la côte ouest qui voulait faire faire « une étude technico-économique », – J’en ai une, tu n’as qu’à changer quelques chiffres. Untel me l’a faite à 50 mille dinars.
Un peu de sérieux ne ferait de mal à personne.