
Par ARROUDJ Halim, enseignant universitaire
Dans la présente sous-section, notre objectif consiste à dresser un état des lieux (sinon un bilan) sur l’ouverture du secteur bancaire aux capitaux privés. De ce fait, nous comptons :
- Premièrement, faire un point sur les effets de la transformation du volet réglementaire relatif à l’installation des banques étrangères en Algérie sur la multiplication et la diversité des acteurs bancaires et financiers (objet de notre premier paragraphe). La multiplication et la diversité des intermédiaires financiers sont souvent considérées comme signe positif de développement du secteur bancaire. Elles témoignent également de la bonne volonté des pouvoirs publics à procéder à la libéralisation du système bancaire.
- Deuxièmement, faire un état sur les effets de la transformation du volet réglementaire relatif à l’implantation de guichets bancaires sur le développement des réseaux bancaires. (objet de notre second paragraphe). L’extension ou l’élargissement des réseaux bancaires est souvent perçue comme signe de développement de la place bancaire.
- Troisièmement, la multiplication, la diversité des acteurs et l’extension des réseaux bancaires sont souvent des traits qui caractérisent la dynamique d’un secteur bancaire (objet de notre troisième paragraphe). Ainsi, à travers ces trois éléments, nous souhaitons analyser leurs contributions dans le processus de la modernisation du secteur bancaire algérien.
Les effets de l’ouverture du secteur bancaire sur la multiplication et la diversification des acteurs bancaires et financiers : un état des lieux
Le cadre réglementaire régissant l’ouverture du secteur bancaire algérien aux capitaux privés étrangers a été essentiellement marqué par trois étapes dont chacune d’elle est liée à certains événements ou situation ayant caractérisé l’évolution du secteur bancaire algérien.
En effet, la première étape qui avait instauré les conditions d’installation des acteurs bancaires et financiers s’inspire largement de la loi 90-10. Cette dernière est venue après que toutes les tentatives de réformes à caractère micro-économique ont échoué (autonomie des banques publiques, la non remboursabilité des créances impayées,…….).
Cette étape s’est inspirée de la doctrine de la libéralisation financière. Elle s’est principalement centrée sur la libéralisation des services bancaires et financiers. Dans cette perspective, un assouplissement considérable en matière de textes réglementaires régissant les conditions d’installation d’acteurs bancaires et financiers a été mis en place. Cet assouplissement se résume dans les points suivants :
- D’abord, en ce qui concerne l’autorisation de constitution de banque ou d’établissement financier de droit algérien, elle doit être délivrée par le CMC.
- Ensuite, en ce qui concerne, les participations étrangères dans les banques et les établissements financiers de droit algérien, elles sont soumisses au principe de réciprocité.
- Et enfin, en ce qui concerne l’ouverture en Algérie de succursales de banque ou d’établissements financiers étrangers, elle est également soumise au principe de réciprocité.
Cet allégement réglementaire s’est soldé par une ouverture du secteur bancaire aux acteurs nationaux et internationaux. La première section du présent chapitre retrace d’une manière détaillée les conditions que les acteurs bancaires et financiers doivent réunir pour exercer une activité bancaire en Algérie.
La deuxième étape a été caractérisée par les scandales financiers ayant marqué le secteur bancaire algérien. A cet effet, plusieurs banques privées nationales ont été liquidées (El KHALIFA Bank, la BCIA Bank, l’Union Bank et l’AIB Bank). Partant de ce constat, un nouvel ancrage légal relatif à la création de banque ou d’établissement financier a été instauré. Ce nouvel ancrage s’est inspiré de l’ordonnance bancaire du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit. Dans ce sens, plusieurs mesures ont été adaptées allant de la révision (durcissement ou renforcement) du cadre réglementaire relatif la création du commerce de la banque ou de l’établissement financier, passant par l’augmentation du capital social minimum des banques et des établissements financiers jusqu’à la séparation de l’autorité de la réglementation de l’autorité de la supervision.
Ce renforcement était destiné à donner plus de crédibilité au secteur bancaire en protégeant à la fois les épargnants et les investisseurs contre toute défaillance ou faillite bancaire.
La troisième étape est essentiellement marquée par la généralisation de la règle 51-49 % dans le secteur bancaire ainsi que l’application du droit de préemption sur les cessions d’actifs financiers en Algérie.
Cette nouvelle doctrine a été appliquée suite à la multiplication des plaintes enregistrées par les inspecteurs de la DGIG de la BA contre les groupes étrangers qui n’ont pas respecté les conditions nécessaires régissant la réglementation de change (changes et mouvements de capitaux).
En effet, selon l’ancien Ministre des Finances en l’occurrence HARCHAOUI Abdelkrim affirmant que la DGIG de la BA avait déposait plainte contre treize (13) banques pour avoir mal rempli leurs dossiers d’opérations de change et de mouvements de capitaux. De ce fait, plusieurs amendes sévères ont été dressées à l’encontre de ces banques dont 100 millions d’euros pour la Société Générale Algérie et 50 millions d’euros pour la BNP-Paribas El Djazair.
De plus, une autre raison est à l’origine de la mise en application de cette mesure qui a conduit les pouvoirs publics algériens à la fois à durcir les conditions liées aux investissements étrangers (installation, cession d’actifs, transferts, rapatriements,…) et à leur généralisation au secteur bancaire. En effet, au-delà du secteur bancaire à proprement parler, l’application de cette mesure est la conséquence d’un bras de fer entre le gouvernement algérien et le groupe de téléphonie mobile égyptien Orascom qui a été accusé d’avoir transféré des centaines de millions de dollars de dividendes réalisés par sa filiale algérienne Djezzy à sa maison-mère, tout en réduisant significativement ses investissements dans le pays.
Bien que le pays ait été épargné des effets de la crise financière internationale de 2007-08 du fait de sa non-intégration aux marchés financiers mondiaux, les actions des pouvoirs publics algériens selon l’ex-Ministre des Finances DJOUDI Karim se focalisent essentiellement sur la relance de la production nationale. Depuis la période 2008-09 qui a enregistré une régression des recettes des exportations suite à la baisse des prix des hydrocarbures, le gouvernement opère sur l’économie nationale une transformation pour l’orienter vers un nouveau régime de croissance où la production nationale devra graduellement se substituer à l’offre externe.
Dans ce contexte, depuis l’ouverture du secteur bancaire aux capitaux étrangers privés, d’importants changements ont été constatés à différents niveaux.
1)- Ouverture et installation des acteurs bancaires et financiers étrangers privés
La libéralisation du secteur bancaire algérien s’est matérialisée par l’installation de plusieurs établissements bancaires et financiers de renommée internationale qui a favorisé sa mutation.
Depuis mars 2014, le secteur bancaire algérien est composé de vingt (20) banques et neuf (9) établissements financiers.
2)- Multiplication et diversification des intermédiaires financiers étrangers privés
L’ouverture du marché bancaire s’est également caractérisée par l’augmentation du nombre et la diversification des statuts des acteurs bancaires et financiers. En effet, depuis 1990 la structure du marché bancaire s’est complètement modifiée. A ce titre, depuis mars 2014, le marché bancaire algérien est constitué de vingt-neuf (29) acteurs.
Selon une étude réalisée par l’Union des Banques Maghrébines (UBM), l’Algérie observe encore un manque encore en banques et en établissements financiers pour diversifier totalement son marché bancaire. Par rapport à la taille de son marché (comparativement à la taille de son territoire et au nombre de sa population totale), le nombre des acteurs bancaires et financiers exerçant en Algérie connaît une évolution peu significative.
De 1990 à 2010, le nombre des banques et des établissements financiers est passé de six (6)1051 à vingt-six (26). Ce constat peut négativement influencer l’accès de la population aux services bancaires de base. Il peut également influencer négativement le rôle des banques dans une économie. En effet, les banques ont la particularité de collecter l’épargne des déposants, qui représente plus au moins une fraction importante (et gratuite) de leurs fonds propres. Ces fonds sont transformés en opérations de crédit destinées à financer l’économie. Ainsi, plus le nombre et la diversification des acteurs bancaires et financiers sont importants, plus la concurrence entre les acteurs et la compétitivité du secteur bancaire sont dynamisées et efficientes.
Paragraphe 2 : Les effets de l’ouverture du secteur bancaire sur le développement des réseaux bancaires : un état des lieux
Les politiques d’installation des acteurs bancaires et financiers étrangers en Algérie se sont également soldées par une politique de développement de leurs réseaux d’agences bancaires, bien que leur évolution (en termes de nombre d’agences bancaires par rapport à leur date d’installation) reste minime ou timide.
Dans le secteur bancaire algérien, les banques publiques prédominent par l’importance de leurs réseaux d’agences bancaires répartis sur tout le territoire national, même si le rythme d’implantation d’agences des banques privées s’accélère depuis 2005-06. La progression de l’activité de ces banques et des établissements financiers privés a contribué au développement de la concurrence, aussi bien au niveau de la collecte des ressources qu’au niveau de la distribution de crédits et de l’offre de services bancaires de base à la clientèle (les ouvertures des comptes, les chèques de banque, les virements, la domiciliation,….).
En effet, en fin décembre 2010, le réseau des banques publiques comprend 1 077 agences et celui des banques privées et établissements financiers 290 agences1052. Au total, le nombre des guichets d’agences des banques et des établissements financiers recensé en 2010 était de 1367.
( à suivre)