Une tentative d’analyse exploratoire de la perception des administratifs communaux

Par Amine FERROUKHI et Rachid OUENNADI
Pour notre échantillon, 50 % des questionnés possèdent une expérience professionnelle de moins de dix ans (figure 01), ceci reflète la jeunesse des administratifs communaux de la population, l’âge médian est aux alentours de 36 ans (figure 02). Les fonctionnaires de l’échantillon appartiennent aux 31 communes et 10 Wilayas.
En Algérie, le recrutement est une compétence départementale (Wilaya), les communes ne peuvent pas lancer les processus de recrutement sans l’autorisation des Walis (préfets). L’effectif des fonctionnaires territoriaux se répartit selon l’importance administrative et économique de la commune. Le plus souvent, les communes anciennes qui appartiennent aux grands centres économiques (Alger, Blida, Oran, Annaba, Béjaia<), possèdent plus de ressources et emploient un nombre important de fonctionnaires par contre, les petites communes nouvellement créées, disposent d’un effectif de fonctionnaires reflétant leurs capacités financières. Ceci explique les variations du nombre des questionnés (figure 03) par commune.
Selon le ministère de l’Intérieur, les dix dernières années, les effectifs de l’administration territoriale ont connu une remarquable évolution. Les derniers recrutements ont été plus constatés en faveur des diplômés issus des universités et centres de formation professionnelle. L’échantillon présente presque 50 % de diplômés universitaires, 30 % ayant le niveau secondaire (niveau 2) et 20 % ayant uniquement un niveau élémentaire.
La variable expliquée, perception du climat organisationnel (EGEO) se présente sous forme de cloche, et confirme la caractéristique statistique de normalité. La perception (figure 05) est mesurée sur une échelle ordinale, allant de l’appréciation la plus défavorable, très mauvais climat organisationnel (1) à l’appréciation la plus favorable, un parfait climat organisationnel.
La présentation de nos résultats est structurée en trois sections, liées aux trois familles d’hypothèses ; l’importance des variables explicatives démographiques ; variables explicatives liées à la pratique managériale et la variable explicative de la satisfaction du citoyen. Pour vérifier la validité des hypothèses énoncées ci-dessus, nous avons mobilisé deux outils statistiques :
Le test Khi2 pour vérifier les corrélations entre les variablesqualitatives, à savoir notre variable expliquée-la perception duclimat organisationnel- et l’ensemble des variables explicativesqualitatives.
L’analyse en composante principale pour l’ensemble des variablesquantitatives et variables ordinales. Il faut noter que les variablesqualitatives peuvent être exprimées sur une échelle ordinale, allantde 1 à 5, et les considérer comme variables quantitatives.
3.1- l’importance des variables explicatives démographiques :
La perception du climat organisationnel n’est pas sensible au genre du fonctionnaire (test non significatif au seuil de 5 %), le fait d’être homme ou femme n’influe pas sur les réponses des enquêtés homme ou femme n’influe pas sur les réponses des enquêtés.
En outre, l’analyse en composante principale (annexe 03 : matrice des corrélations, diagramme des composantes après rotation) ne révèle aucune dépendance entre la variable expliquée et les deux variables explicatives démographiques (expérience et âge) de l’administratif territorial. À cet effet, ces deux variables ne s’associent pas sur les deux axes de l’ACP, ceci signifie qu’ils n’ont aucun pouvoir explicatif sur l’appréciation du climat organisationnel.
3.2- L’importance des variables liées à la pratique managériale
Concernant les variables liées à la pratique managériale, les résultats sont significatifs. Les communes se distinguent par leurs actifs humains et organisationnels, l’appartenance à une commune caractérise sensiblement la perception du fonctionnaire. Les communes ne se caractérisent pas par une gestion uniformisée, puisqu’elles ne sont pas gérées par les mêmes personnes, même si l’environnement réglementaire reste identique.
Certaines administrations locales se distinguent par leurs actifs organisationnels, une gestion distinguée, et peuvent être même un management reflétant une certaine qualité du leadership.
Par contre, la relation entre la perception du climat organisationnel et le niveau d’instruction des administratifs communaux semble être significative.
Par ailleurs, l’analyse en composantes principales (Annexe 03 : Diagramme de composantes après rotation) révèle les sens opposés des deux variables, sur le deuxième axe (deuxième composante), la variable expliquée et le niveau d’instruction, plus le niveau d’instruction est élevé moins sera appréciée le climat organisationnel.
Les variables explicatives (ENRT, EOC, ELA, ECO, ERT, ERDH et ERTT), liées à la pratique managériale, sont parfaitement corrélées (Annexe 1 : matrice des corrélations) avec la perception du climat organisationnel. Ces variables suivent précisément notre variable expliquée (Annexe 3 : Diagramme de composantes après rotation), leurs positions rapprochées autour de la variable expliquée, sur la première composante, vérifient cette nette association. L’annexe (03) résume les éléments essentiels de l’ACP. Certaines projections des points-variables sont suffisamment proches du cercle des corrélations pour faire apparaitre une assez forte corrélation positive (Annexes [03] : matrice des corrélations) entre la perception du climat organisationnel et la qualité de la relation du travail (ERT), plus cette relation est positivement perçue, mieux sera appréciée le climat organisationnel. Le sentiment d’autonomie et liberté dans l’organisation des taches est une variable explicative du climat organisationnel. Une nette association est constatée entre la perception du climat organisationnel et l’autonomie de l’administratif territorial. Pareillement, l’association est vérifiée entre notre variable expliquée et la perception de la clarté dans la détermination d’objectifs (ECO), au niveau de la commune. Les maires qui réussissent à partager des objectifs clairs, arrivent à mieux intéresser les administratifs territoriaux, que ceux qui n’arrivent pas à déterminer de façon claire leurs objectifs.
La perception du degré d’ouverture de la commune aux changements organisationnels, induits par l’évolution de l’environnement, représente une source de satisfaction chez les administratifs territoriaux, cette perception leur donne le sentiment de sécurité. En fait, la commune qui arrive à interagir avec l’environnement, maitrise son devenir et celui de ses fonctionnaires. Une nette association est également constatée, entre la variable expliquée et la perception d’ouverture de la commune aux changements.
Deux autres variables explicatives expliquent le climat organisationnel, il s’agit de la variable indicatrice de respect du temps de travail et respect des décisions hiérarchiques. Les administratifs territoriaux qui expriment une nette satisfaction du climat organisationnel, s’inscrivent dans la respectabilité organisationnelle, pour les décisions hiérarchiques et horaires du travail.
3.3- L’appréciation de la satisfaction du citoyen par l’administratif territorial
Les deux variables, perception du climat organisationnel et perception de la satisfaction du citoyen, sont parfaitement associées. La satisfaction du citoyen (ESC) est parfaitement corrélée à la perception du climat organisationnel (Annexe 3 : matrice des corrélations et diagramme de projection après rotation). Les administratifs qui éprouvent le sentiment de la satisfaction des citoyens ont tendance à mieux apprécier le climat organisationnel des communes. Ceci atteste de l’importance de la satisfaction des citoyens chez les administratifs territoriaux.
L’administratif territorial est directement impliqué dans la gestion publique de la commune, une proximité qui exige force de caractère et dévouement. Par conséquent, les administratifs territoriaux les plus habilités à gérer sont ceux qui se nourrissent des valeurs du service public, ceux qui développent les ouvertures envers les citoyens, et qui expriment une nette empathie.
Par ailleurs, une analyse en composante principale focalisée (figure 07) montre ci-dessous, les principales variables explicatives corrélées (les coefficients de corrélations inclus entre 0,4 et 0,6) à notre variable explicative, la perception générale du climat organisationnel (EGEO).
Nous avons tenté de décrire le climat organisationnel d’une institution locale, à caractère administratif, très peu étudiée en Algérie. Cependant, nous avons estimé utile de donner la parole aux administratifs territoriaux, cheville ouvrière de l’administration territoriale. L’analyse des données nous permet d’extraire cinq enseignements :
Malgré les conditions matérielles difficiles, les administratifs territoriaux manifestaient une certaine dignité, et n’admettaient pas que les fonctionnaires d’autorité les traitassent en subordonnés. Les communes restent peu ouvertes à leur environnement. Le maire représente assez fidèlement la réalité locale, mais souvent des tensions se créent entre les élus et administratifs communaux. Le climat organisationnel subit l’influence d’un compromis judicieux entre les élus locaux, fonctionnaires d’autorité et administratifs territoriaux