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Une tentative d’analyse exploratoire de la perception des administratifs communaux

Par Amine FERROUKHI et  Rachid OUENNADI

L’assemblée populaire de commune (commune) évolue dans un système prédéfini par les principaux acteurs : citoyens électeurs ; fonctionnaires d’autorité (Walis) ; élus locaux et administratifs territoriaux. Les communes connaissent des tensions de gouvernance publiques (Hudon P-A., Mazouz B, 2015), qui se manifestent entre administratifs et élus, à cause de l’inertie des structures administratives, le déficit des connaissances en gestion publique chez les élus, l’excès de formalisme de la part des tenants de la culture administrative et leur incompréhension des outils modernes de gestion. En outre, la commune subit l’influence de la politique publique et des orientations sectorielles du ministère de l’Intérieur en matière d’aménagement du territoire. Dans ce contexte particulier, la culture administrative se caractérise par la concentration des pouvoirs. Les administrations locales ont tendance à solliciter les Walis (préfets), fonctionnaires d’autorité pour traiter une série d’arbitrages. Mais, cette forme de centralisation pourrait se justifier par la faiblesse des capacités institutionnelles au niveau local, un épuisement du capital humain et social de certaines communes rurales, dépourvues de ressources.

 

Dans toute organisation importante, et a fortiori quand elle a la mission du service public, le climat organisationnel ne peut évidemment pas être ignoré. La gestion publique des temps modernes se construit avec la responsabilité des équipes et l’autonomie des managers (Mazouz et Leclerc, 2008), qui sont la résultante d’un climat organisationnel favorable au changement. Le vague objectif de la performance évaluée des agents administratifs auxquels la commune mobilise, interagit en permanence avec l’évolution du climat organisationnel. À cet effet, l’étude de la perception du climat organisationnel pourrait s’inscrire dans une démarche exploratoire des facteurs de performance. La connaissance approfondie de ces facteurs donnerait à l’administration un atout, la possibilité d’agir sur la motivation des administratifs territoriaux. La présente contribution essaye de visionner une réalité locale, celle du climat organisationnel de la commune, perçue par le personnel administratif communal, modestement payé, peut être peu écouté, mais parfois déterminé à assurer le service public avec un étonnant dévouement. Notre objectif n’est pas de chercher des lois universelles, mais d’avoir une réponse adaptée au contexte des collectivités locales en Algérie. Après une revue de la littérature sur le climat organisationnel, nous énonçons notre méthodologie ; la principale question de recherche, accompagnée de trois questions secondaires et trois principales hypothèses. Une présentation et discussion des résultats nous permettent de faire ressortir cinq produits de cette recherche, explicités en guise de conclusion.

 

  • FONDEMENTS THEORIQUES 

 

Le concept climat est souvent utilisé pour enrichir le concept de la culture (Poole, 1985), un concept qui reste générique et porteur de nuance. Le climat organisationnel reflète une description de l’environnement, une description psychologiquement significative. Par ailleurs (Patterson et al., 2005) le définissent comme la perception partagée des agents sur l’état de leur organisation, cette dernière se distingue par ses procédures, pratiques et routines. Le climat organisationnel diffère d’une organisation à une autre. Plusieurs facteurs expliquent ces différenciations ; tels que les dissimilitudes individuelles des employés et leurs positions relatives dans l’organigramme ; la nature et organisation des groupes de travail ; et l’historique de l’employé (Victor & Cullen, 1988). La littérature académique tente d’analyser le climat interne des organisations ou climat organisationnel. La majorité de ces analyses académiques se présentent en quatre dimensions ; l’autonomie individuelle, la structuration, les orientations de récompenses et la considération de la cordialité dans le travail. D’autres (Mc intyre & James, 96 ; James & Sells, 81) s’orientent vers des dimensions plus spécifiques telles que le stress et manque d’harmonie, le challenge du poste et autonomie, soutien et faiblesse du leadership, la coopération du groupe, la bienveillance et vivacité. En Algérie, la commune n’a pas eu un grand engouement de la part des chercheurs, en sciences de gestion. Nonobstant, quelques tentatives de recherches sont menées, nous pensons à Tabet Aoul Wassila & Zerrouki Mohammed Amine (2014), qui tentaient d’étudier le lien entre la performance et la culture dans l’administration locale algérienne, et cela en se contentant d’une enquête auprès de 20 agents réceptionnistes de la commune de Tlemcen. Dans un autre article, Kamal Moulai (2008) synthétisait les principales contraintes à l’action publique locale en Algérie, cas des communes de la Wilaya de TiziOuzou. Il relevait certains problèmes de gestion, au niveau des communes étudiées telles que ; la contrainte au recrutement qui doit inéluctablement passer par la direction de l’administration locale, depuis 1993 ; la qualité managériale des effectifs et déficits en matière de formation du personnel. Cette dernière contrainte a fait l’objet d’un autre article (Essaid TAIB, 1989), qui a amplement synthétisé le système de la formation du personnel communal, en Algérie.

Par ailleurs, il faut noter l’apport des publications en langue nationale qui s’inscrivent dans une démarche explicative des textes juridiques et arrangements administratifs, au niveau de l’administration locale algérienne. Ces écrits sont essentiellement le produit des sciences juridiques et administratives. Après une recherche bibliographique, nous avons constaté qu’aucun article n’a été publié sur le climat organisationnel des communes en Algérie. Nous pensons avoir la lourde responsabilité de traiter en premier le sujet.

  1. Démarche méthodologique retenue

Nous synthétisons dans ce paragraphe la manière dont nous avons caractérisé notre recherche, afin de construire les éléments de notre questionnaire. Nous présentons également notre question de recherche, les hypothèses à vérifier, l’échantillon de l’étude et ses caractéristiques. 2.1- Questions de recherche Nous avons focalisé notre attention sur la construction de la perception du climat organisationnel chez les administratifs territoriaux. Notre principale question de recherche est la suivante : quels sont les déterminants de la perception du climat organisationnel chez les administratifs territoriaux ? D’autres questions secondaires accompagnent cette question ; existe-t-il une influence des variables démographiques sur la construction de cette perception ? Quelle est l’importance des pratiques de gestion dans la perception des administratifs territoriaux ? Et existe-t-il un lien de causalité entre l’engagement pour la satisfaction des citoyens et la perception du climat organisationnel chez les administratifs territoriaux ? 

2.2- Hypothèses de recherche

Pour émettre nos hypothèses, nous avons mené une étude qualitative, à travers des entretiens avec le personnel administratif communal (7 entretiens), et cela pour approcher une réalité locale. L’objectif était de formuler des hypothèses vérifiables et citées sur le corpus des connaissances académiques. Ce travail nous a menés à retenir trois familles d’hypothèses, à vérifier par les différents tests statistiques :  Les données démographiques des administratifs communaux∙ influencent leur perception du climat organisationnel ;  Les pratiques de gestion au sein de la commune, déterminent la∙ perception des administratifs communaux du climat organisationnel ;  L’appréciation de la satisfaction du citoyen par l’administratif∙ communal lui donne le sentiment de la réussite administrative. Et nous informe sur la qualité du climat organisationnel. Pour vérifier ces trois familles d’hypothèses, nous avons utilisé quinze variables ordinales qualitatives et quantitatives, fournies par cette enquête ; la perception générale du climat organisationnel (EGEO), le niveau d’instruction (NIVEAU), l’âge (AGE), l’expérience (EXPER), le genre (GENRE), la reconnaissance du travail (ENRT), le degré d’ouverture au changement (EOC), autonomie et liberté dans l’organisation des taches au travail (ELA), la clarté dans la détermination d’objectifs (ECO), la qualité de la relation du travail (ERT), le respect des décisions hiérarchiques (ERDH), le respect du temps au travail (ERTT), l’évaluation des critères de mesure de la performance au sein de la commune (ECSR) le rendement du fonctionnaire territorial (ERF) et l’appréciation de la satisfaction du citoyen (ESC). 

2.3- Le choix de l’échantillon de l’étude 

En Algérie, l’ensemble des communes évolue dans le même cadre réglementaire (code des collectivités territoriales) qui prévoit un régime indemnitaire uniforme pour les agents de l’administration territoriale, quelle que soit l’importance des ressources de la commune d’appartenance. Les procédures formelles internes et relations hiérarchiques restent identique pour l’ensemble des communes. Cette constatation peut nous mener à considérer l’ensemble des administratifs comme étant un groupe homogène.

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